Montres de collection, bijoux prestigieux, verre mystérieux, tableaux de maître, œuvres modernes voir d’avant garde, sculptures extraordinaires, tapisseries, meubles rares, manuscrits inestimables, armes fabuleuses, porcelaines fines, céramiques, objets design,… voilà quelques-uns des différents domaines du marché de l’art, ce marché si particulier, à forte valorisation sociale, qui attire de plus en plus les personnes désireuses de diversifier leurs investissements.
Et ce marché est intéressant, en plus de l’apport financier, tant par le renforcement du statut social qu’il apporte à l’acquéreur, que par le plaisir esthétique, qu’espérons-le, il lui procure. Aujourd’hui on investit en art comme on investit dans des actions, diversifiant ainsi de façon dite saine son portefeuille. Selon les différentes sources, une œuvre d’art apporte autour des 0,55% par an en termes réels (William J. Baumol), 1,5% (MM Frey et Pommerhene) voir 10,7% (MM. Chanel, L.A. Gérard- Varet et V. Ginsburgh).
Le marché de l’art, marché international s’il en est, a évolué de façon spectaculaire ces dernières décennies. La ventes d’œuvres d’art a migré des galeries vers les maisons de ventes aux enchères, ce phénomène ayant été doublé par la transparence amenée par internet et les divers organismes permettant de connaître en temps réel, comme pour toute marché boursier, les cotes des diverses œuvres. A cela s’est ajouté la vitesse sans cesse croissante des transactions, avec des réapparitions d’œuvres sur le marché tous les 10 ans en moyenne, si ce n’est moins, par opposition à la moyenne de tous les 20 ans dans les années 1980. Tout ceci a conduit à la situation que nous connaissons aujourd’hui, à savoir que tout un chacun peut espérer pouvoir faire fructifier via l’art sa mise de départ.
Mais revenons un peu en arrière.
Le marché de l’art a toujours été international, mais à ses débuts, il se concentrait dans une ou deux places fortes. Au XVIIIème siècle, Paris en est sa capitale, et des œuvres en provenance du monde entier, et en particulier d’Italie, s’y vendent et s’y échangent. La Révolution Française va voir ce marché se déplacer vers l’Angleterre et Londres, où tant les biens d’expatriés Français que des biens de tous pays et de toutes provenances s’y échangent activement. C’est là aussi qu’apparaissent les deux grandes maisons historiques de ventes aux enchères : Christie’s (fondée à Londres, le 5 décembre 1766 par James Christie) et Sotheby’s (fondée à Londres, le 11 mars 1744 par Samuel Baker), et avec cette apparition, on voit poindre ce qui sera la prochaine révolution du marché de l’art.
Si le XIXème siècle est un siècle marqué par les grands marchands d’art qui règnent sur le marché, découvrant et soutenant de nouveaux talents, lançant leurs carrières, et éduquant leurs collectionneurs, c’est également le siècle où l’état perd le monopole du « bon goût » et de la désignation de l’art. En effet, jusqu’alors « les normes esthétiques étaient définies par les instances d’Etat » par le biais des salons officiels qui faisaient la pluie et le beau temps en matière d’art, mais avec l’avènement du salon des Indépendants, c’est l’ère des putschs des nouveaux mouvements artistiques qui se met en place. L’art sort des institutions, remet en question les valeurs sociales, mais… paradoxalement continue de posséder cette forte aura de valorisation sociale. Posséder la bonne pièce du bon artiste c’est prouver son flair, son avant-gardisme, et à travers la valeur esthétique et intellectuelle de l’œuvre, prouver sa propre valeur…
Le XIXème est enfin le moment d’une autre mutation à grande échelle : l’artiste s’affranchit de son acheteur, qui n’achète désormais plus obligatoirement une œuvre pour laquelle il a passé commande, mais une œuvre parmi tant d’autres qui lui est proposée, et qui a été crée et pensée en dehors de lui. Il devient par là-même un acquéreur lambda… De là il n’y a qu’un pas pour parler de l’art comme d’un produit de luxe comme un autre, ce qui pourrait être le cas, si il n’y avait à la fois l’intention de l’artiste derrière l’œuvre et le caractère unique de celle-ci, tous deux essentiels aux yeux des collectionneurs.
Le XXème siècle, en termes de marché de l’art est quant à lui aussi fécond que le précédent. Sotheby’s, par le biais de Peter Cecil Wilson mène une nouvelle révolution dans l’organisation des ventes publiques, détrônant avec Chritie’s à ses côtés, les Marchands d’Art et autres galeries au profit des Maisons de Ventes aux Enchères, créant la fiction d’une cote transparente des artistes, alors qu’il ne s’agit que d’une cote de certaines œuvres. Dès la seconde moitié du XXème siècle, la vente aux enchères devient un événement mondain où il faut voir et être vu.
En ce XXème siècle toujours, l’art devient un vrai placement boursier, et semble particulièrement juteux jusqu’à l’éclatement de la bulle spéculative qu’il engendre, dans les années 90.
Le XXIème siècle est quant à lui le siècle de la transparence des transactions, de la multiplication des Art Price Index et autres organismes de cotation des œuvres d’art, ainsi que des ventes aux enchères par internet.
Il n’a jamais été aussi facile de s’informer sur la production artistique en général et sur celle d’un mouvement ou d’un artiste en particulier, d’échanger via des groupes de discussion des idées et des bons plans. Il est devenu tout aussi facile de connaître les prix en galerie de tel ou tel autre artiste, et ce tout autour du monde, de savoir quelle vente aux enchères, situées aux antipodes, proposera bientôt une œuvre majeure de son artiste préféré, et d’y participer en temps réel. Il est également possible, toujours via internet, d’entrer en contact avec ses artistes contemporains favoris, de connaître leur actualité, leurs dernières expositions, leurs dernières publications, de se lier avec eux d’amitié sur Facebook et de les suivre sur Twitter.
Et c’est cette information, comme dans tout autre marché boursier qui est essentielle : en plus des affinités que l’on a avec tel ou tel artiste, le choix de l’œuvre dans laquelle on souhaite investir dépend des connaissances et renseignements que l’on a eu l’intelligence d’acquérir. Et si cette œuvre n’est pas acquise seulement à des fins spéculatives, si elle est destinée à faire une escale plus ou moins longue dans votre vie et dans votre espace, suivez ce conseil que Madeleine Forcier -directrice de la galerie Graff, forte de plus d’une décennie à la Foire de Bâle- donne à ses clients s’enquérant de la valeur d’une œuvre : « Si vous l’aimez encore et qu’elle vous rend heureux, dites vous que c’est là le signe du meilleur investissement. ». Croyez-moi, ce conseil vaut son pesant d’or.
Ilinca Vlad, Expert pour le magazine Le Monde Economique et Directrice à la Janus Gallery (Grand-Rue 100 – Montreux)