LE MIRACLE ECONOMIQUE DE L’IRLANDE ET DE L’ISLANDE OU LA GRANDE REVANCHE DES MARGINAUX D’HIER

11 juin 2017

LE MIRACLE ECONOMIQUE DE L’IRLANDE ET DE L’ISLANDE  OU LA GRANDE REVANCHE DES MARGINAUX D’HIER

C’est des Iles britanniques que, il y a déjà presque un an, le scandale était arrivé : au référendum du 23 juin 2016 sur la sortie de la Grande- Bretagne de l’Europe, le « oui » s’était imposé avec plus de 51% sur le « non ». Et ce fut le Brexit.

Mais c’est encore des Iles britanniques, de cette même périphérie insulaire, qu’émane aussi une idée euro- optimiste, qui redonne confiance et referme quelque peu les portes de l’« Exit ». Cette idée est incarnée par l’Irlande, l’ancien « cancre » de l’Europe.

Dans un récent article, nous avons parlé d’autres pays de la périphérie de l’UE (la périphérie Est, cette fois) qui, malgré toutes leurs difficultés économiques, entretiennent un taux de croissance stable et restent foncièrement euro-optimistes : il s’agissait de la Bulgarie et de la Roumanie, les deux actuels « cancres » de l’UE.

Oui, « cancre » de l’UE, l’Irlande l’avait été elle aussi – et pendant de longues années. Beaucoup d’entre nous se le rappellent sans doute : avant le grand élargissement de l’Union à l’Est poursuivi tout au long de la décennie 2000, un pays était constamment à la traîne de ce qu’on appelait alors l’« Europe des Douze » : c’était bien l’Irlande. Dans le club, presque entièrement occidental, des « bons élèves » de l’intégration européenne, l’«Ile d’Emeraude » accompagnée seulement du Portugal, autre pays difficile, affichait un profil bas, étant la plus pauvre parmi tous les membres, et la plus problématique sur le plan économique.

Vingt- cinq ans plus tard, les choses ont radicalement changé : l’Irlande a abandonné le rôle de « cancre » à quelques nouveaux- venus de l’Est tandis qu’elle-même enregistre des succès vertigineux, et un envol économique que nul n’aurait imaginé dans le passé. Un envol qu’aujourd’hui on qualifie tout simplement de « miracle irlandais ». En effet, depuis 2009, l’Irlande a des succès qui semblent relever du pur miracle : entre 2013 et 2015, sa production industrielle a bondi de 65,7%, sa puissance exportatrice s’est renforcée, sa richesse considérée comme PIB par habitant a augmenté au point de ranger le pays à la deuxième place des pays membres de l’Union européenne.

L’ancien mauvais élève de l’UE a définitivement pris sa revanche en devenant en 2015 la première puissance exportatrice en Europe et en se plaçant, avec une exportation pour 317 milliards d’euros de biens et de services, devant la France et le Royaume-Uni, et même devant l’Allemagne ! (nous utilisons des données du journal Libération). Plus qu’européens, les succès de l’Ile Verte se mesurent aussi à l’échelle mondiale : il y a deux ans, le pays enregistrait la plus forte croissance au monde.

Considérée comme l’économie la plus dynamique de l’Union Européenne et ayant retrouvé, au sein de cette Union, une dignité qu’elle était loin d’avoir auparavant, l’Irlande ne partage point l’europhobie qui a poussé une grande partie de ses voisins, les Britanniques, à voter pour la sortie de l’UE. Parmi les pays insulaires de la façade atlantique de l’Europe, l’Irlande reste désormais la seule à être rattachée à Bruxelles.

Car il existe, sur cette même façade nord-ouest, un autre curieux pays, une autre île étonnante, qui, quant à elle, rebute l’Europe institutionnelle et essaie de suivre sa propre voie : l’Islande. Mais son euro- scepticisme mis à part, au cours des dernières années, ce pays présente beaucoup de similitudes avec l’Irlande – et pas seulement au niveau du nom. Comme l’Irlande, l’Islande a connu un fantastique envol économique qui a fait d’elle une exportatrice de premier plan dans les secteurs de la pêche, des nouvelles technologies et du tourisme. Le « miracle islandais » est d’autant plus sensationnel qu’il a lieu dans un pays menacé, seulement quelques années en arrière, par la faillite. Mais quelle donc a été la recette- miracle de cette île qui, affichant aujourd’hui une croissance insolente et seulement 4% de chômage, se range en troisième position du dernier classement de l’ONU des pays les plus heureux au monde ? Eh bien, la recette n’était pas trop différente de celle utilisée partout où avait sévi la crise économique de 2008 : c’était l’austérité. Une austérité qui, dans l’Ile de glace, était même encore plus dure, et cela non pas uniquement pour les citoyens lambda mais aussi pour quelques gouvernants et quelques responsables financiers. Car, alors que dans d’autres pays d’Europe les gens ordinaires étaient les seuls à subir les effets négatifs de la cure d’austérité, en Islande on n’a pas oublié de s’attaquer aux fraudeurs en col blanc, principaux profiteurs d’un secteur financier hypertrophié pesant jusqu’à dix fois le PIB du pays. Quelques-uns ont été envoyés en prison alors qu’un premier ministre, impliqué dans le scandale des Panama Papers, a dû démissionner sous la pression de la rue.

Décidément, la petite Islande a quelques leçons à donner à l’Union Européenne, et cela non seulement en matière de redressement économique mais aussi de démocratie. Quant à la « verte Irlande », son exemple est en soi-même encourageant : les « cancres » d’hier peuvent un jour atteindre l’excellence, les derniers sur le plan économique d’aujourd’hui peuvent devenir les champions de demain.

 

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