LE PLAN MARSHALL POUR L’AFRIQUE VERRA-T-IL SON ABOUTISSEMENT ?

4 mars 2019

LE PLAN MARSHALL POUR L’AFRIQUE VERRA-T-IL SON ABOUTISSEMENT ?

Il y a environ une année et demie, au cours de l’automne 2017, le président du Parlement Européen Antonio Tajani annonçait un ambitieux projet de lancement d’un « Plan Marshall pour l’Afrique » et de mobilisation, à cet effet, de 40 milliards de dollars dans le prochain budget pluriannuel 2020-2026.

L’idée qui à la base appartient à la chancelière allemande Angela Merkel et à l’un de ses ministres, Gerd Müller, a de quoi séduire tant le continent noir que l’Europe, très concernée, quant à elle, par les vagues d’immigration illégale, de provenance africaine, qui déferlent massivement et systématiquement sur son territoire. Mais la grande bénéficiaire sera l’Afrique : avec une aide dont le montant peut, par un effet de levier et par la contribution d’investisseurs privés, dépasser la somme initialement prévue et s’élever à des centaines de milliards d’euros, elle pourra connaître la prospérité et voir enfin s’arrêter l’exode de ses filles et fils contraints, par des problèmes économiques, politiques et climatiques, de chercher ailleurs une vie plus digne.

Une combinaison sagace de générosité et d’intérêt propre.

Un « Plan Marshall »…rien que l’évocation de cet acte de solidarité qui, entre les années 1948- 1951, avait contribué au redressement de l’Europe de l’immédiat après-guerre, a quelque chose de mobilisateur et de fortement motivant. Rappelons-nous pourtant que, pas plus que l’actuel projet d’aide financière pour l’Afrique, le Plan Marshall original ne relevait pas d’un élan de générosité complètement désintéressé. L’Amérique, la donatrice des années quarante, cherchait entre-autres (ou avant tout ?) à assurer sa propre sécurité face à une Europe d’après-guerre extrêmement appauvrie et donc facilement gagnable aux idées communistes de subversion, de révolution et de renversement du système existant. Un peu plus de septante ans plus tard, cette même Europe qui naguère s’était relevée essentiellement grâce au Plan Marshall pour jouir des décennies entières d’une grande prospérité et d’un excès d’abondance, s’apprête aujourd’hui à faire, à l’intention de l’Afrique, le même geste de bonne volonté combinant gratuité et intérêt propre qu’avait eu à l’égard d’elle-même l’Amérique du Général Marshall et de Harry Truman. Boostant le développement du continent noir, l’Europe a deux souhaits qu’on pourrait supposer également sincères et authentiques : voir l’Afrique prospérer et se prémunir elle-même d’un risque accru d’afflux de migrants clandestins avec possible infiltration d’individus radicalisés.

Une aide financière d’un type nouveau.

Quant à la gratuité en question, elle ne l’est pas au sens d’un cadeau charitable et d’un don gracieux. Loin del’ancienne logique de « donneur- receveur », l’assistance financière que l’UE s’apprête à octroyer s’adresse à une Afrique moderne qui a déjà prouvé ses capacités de croissance économique et qui veut persévérer dans cette voie. Comme le président du Parlement Européen l’a lui-même souligné, les milliards accordés seront investis dans le développement d’infrastructures, dans les démarches de promotion de l’initiative privée et dans l’activité des PME. Cette aide va engager la responsabilité des Africains eux-mêmes. L’objectif principal serait une propulsion ultérieure de la croissance économique et la réduction du chômage. 

Dans les années 40, l’initiative du secrétaire d’Etat George Marshall avait radicalement transfiguré l’Europe d’après-guerre. Grâce à l’aide américaine, le Vieux continent a connu une croissance économique jusqu’alors inouïe. Pour beaucoup de pays européens, ce fut en effet le début d’une période de grande prospérité – celle des Trente années glorieuses. Dans le domaine politique, le Plan Marshall a encouragé les premiers pas vers une Europe institutionnelle : la conférence de Paris inaugurant en 1947 l’application de ce Plan a donné naissance à l’Organisation européenne de coopération économique (OECE) qui, dix ans plus tard, devenait l’une des pierres angulaires de la fondation de la CEE, la prédécesseure de l’actuelle Union Européenne.

C’est justement cette UE qui aujourd’hui, par la voix de ses responsables (Angela Merkel, A.Tajani) annonce sa volonté de contribuer à « changer le destin de l’Afrique ». Mais qu’adviendra-t-il de cet ambitieux projet après les élections européennes du mois de mai quand le paysage politique du Parlement Européen sera changé et un président nouveau élu à sa tête? Or, A. Tajani, président sortant du Parlement, était, comme on l’a vu, une figure de proue de l’initiative d’un nouveau Plan Marshall.

 

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