Le salarié et son statut double

20 juin 2017

Le salarié et son statut double

Etre salarié, affirmation explicite, consiste à se placer entre ce que l’on est et ce que l’on représente : les deux termes ne coïncident pas. Et pourtant si au départ il y a dissociation entre eux, le travail tend à la dépasser afin de produire en entreprise un effet d’authenticité. Effet qui semble faire légèrement défaut du moment que la méfiance à l’égard de son rôle s’insinue.

La difficulté courante rencontrée par un salarié, est celle qui consiste à ne pas parvenir à une identification entière de son rôle au travail. Il ne parvient à surmonter cette situation qu’en réussissant à se fondre dans l’être qu’il doit incarner, vœux que l’on retrouve dans le développement de son esprit de création.

Développer son esprit de création ranime des réactions sensorielles, émotionnelles et intellectuelles motrices qui conviennent à un enracinement et à une efficacité au travail durable.

Un salarié ne doit-il pas déployer sa force intérieure, sa faculté de rayonner et de recevoir, étendre avec intensité en lui les sentiments de liberté, d’aisance, de calme, de volupté et de beauté, comprenant ainsi mieux, le sens de son être profond, et guidant sa vie au travail dans une unité ?

Et à mesure qu’enrichissant sa perception de sa personnalité au travail, il conquerra de l’autorité sur ses sentiments et ses doutes.

Il existe, parfois, chez le salarié, des tendances négatives, souvent inconscientes, qui deviennent ses recherches et auxquelles doivent constamment s’opposer ses qualités créatrices positives. Ces influences négatives peuvent être un complexe d’infériorité refoulé (mégalomanie), des désirs égocentriques inconsciemment associés au travail, la crainte de faire fausse route, la peur inconsciente des collègues ou des leaders, la nervosité, la jalousie ou l’envie inavoués, ou l’habitude de critiquer les partenaires. Ce n’est qu’un petit aperçu des « scories psychologiques » qui peuvent s’accumuler à la longue dans l’inconscient d’un employé et l’étouffer dangereusement.

En utilisant son esprit de création, il amassera en lui un grand nombre de qualités positives qui le libéreront et lui permettront de chasser toutes les influences néfastes tapies au plus profond de son subconscient. Ce qu’on appelle « s’enraciner » n’est souvent rien d’autre que de « libérer » des influences qui paralysent ou même anéantissent complètement.

Quel que soit le talent naturel d’un employé, son statut, sa place dans la hiérarchie, il ne pourra jamais s’enraciner au travail et apporter quelque chose de plus à son métier ni laisser aucun souvenir marquant, aucune trace dans son âme propre, dans celle des autres et à son travail si on l’enferme ou s’il s’enferme lui-même dans une tâche le rattachant à aucun esprit de création.

Un employé, ne prend-t-il pas le risque d’être inopérant à utiliser ses compétences comme son seul outil au travail au lieu de se servir aussi de lui-même comme d’un instrument entraîné à travailler ?

Les personnes qui refusent résolument de reconnaître tout besoin d’esprit de création sous prétexte qu’elles ont du talent sont peut-être justement celles qui en ont le plus besoin. Car le talent est le plus capricieux des dons. L’employé qui ne se fie qu’à son talent s’expose généralement à toutes sortes de déboires professionnels. Le moindre changement d’humeur, ou une mauvaise forme physique, peuvent bloquer son inspiration et rendre son talent inopérant. La meilleure garantie, à mon sens, contre ce genre « d’accident » est une tâche exaltante : construire son esprit de création.

Cet effort est pour lui la manœuvre infaillible de réveiller, de maintenir sa performance. C’est le « Sésame ouvre-toi ! » de l’intuition et de la clarté, la formule qui permet de balayer tous les obstacles psychologies ou physiques au travail et qui engendre le véritable enracinement de soi.

L’esprit de création n’est autre que découvrir les conditions susceptibles de provoquer presque infailliblement cette étincelle capricieuse et insaisissable qu’est l’attention spontanée, provoquée par quelque chose qui offre un intérêt ou un attrait personnel, une bienveillance au cœur et à l’être profond, et qui demande de « l’esprit de création », indispensable à « l’enracinement au travail, un besoin vital de l’âme humaine » (Simone Weil).

 

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