LE TELETRAVAIL – ENTRE DELICES ET PIEGES

14 mars 2017

LE TELETRAVAIL – ENTRE DELICES ET PIEGES

Entre tant d’autres bienfaits, privilèges et facilités que les nouvelles technologies ont introduits dans notre quotidien et notre vie professionnelle, l’opportunité de travailler à distance, le plus souvent depuis son domicile, n’est certainement pas la moindre. On pourrait même dire que la possibilité, accrue grâce à l’Internet, d’un télétravail est à sa façon révolutionnaire. Elle aide notamment à réaliser un vieux rêve de l’homme laborieux – celui de poursuivre son activité dans un environnement familier et bienveillant, sans être soumis au stress des déplacements et des horaires ni à celui découlant d’une collaboration quotidienne trop étroite avec collègues et supérieurs hiérarchiques.

Certes, une telle télé-activité a tout pour séduire ; pourtant, elle cache des inconvénients spécifiques et même des pièges qu’il est préférable de ne pas ignorer. D’ailleurs, chronologiquement, on est plutôt bien placés pour parler des pièges d’un tel travail : au plus fort de la tempête appelée « Pénélope Gate », on assiste à la difficulté des autorités compétentes en France d’identifier les preuves d’une prétendue activité exercée à domicile par Mme Fillon avec, comme employeur, son mari, le candidat à la présidentielle Fr. Fillon. Bien évidemment, c’est à la justice d’établir, aussi difficile que ce soit, si un tel travail avait été, on non, réellement effectué. Nous mentionnons ici le cas « Pénélope » seulement à titre illustratif, comme illustration de la spécificité d’un travail où les limites entre agrément et effort réellement fourni sont très mouvantes.

En effet, installé dans le confort de son domicile, une tasse fumante de café devant soi, on risque vite de perdre toute notion de devoir, de contrainte et de délais à respecter. Bercé par une certaine douceur et par le sentiment de sécurité totale, on s’octroie des pauses qui seraient impossibles si le travail s’effectuait dans les locaux de l’entreprise et d’après une structure chronologique bien établie. A la maison, au contraire, on multiplie les petites distractions : à la pause café ou cigarette succède la pause Youtube ou quelque agréable besogne domestique, plaisir et travail se mélangent, le tout s’enveloppant d’un grand flou.

Cela ne veut pas dire que le télé- travail est toujours frappé d’inefficacité, loin s’en faut. Mais pour qu’il soit vraiment effectif, il faudrait le soumettre à une grande rigueur, à une discipline plus grande encore que celle observée sur un lieu professionnel proprement dit. Avant tout, dans le grand flou moelleux que le télétravail risque d’engendrer, il faut veiller – et cela même le « PénélopeGate » nous l’enseigne – à s’accrocher à tout ce qui est tangible et, si possible quantifiable. Dans le cadre d’une activité exercée à la maison, l’employé doit plus que jamais tendre vers des résultats mesurables en définissant une quantité précise de travail à abattre pour la journée (ou pour l’heure) et, au milieu des tentations de toutes sortes et en dépit des pauses généreusement auto- octroyées, chercher par tous les moyens à remplir cette norme. Cela aiderait le télétravailleur non seulement à s’acquitter efficacement de ses tâches mais aussi à garder la confiance en ses qualités professionnelles, confiance menacée d’être fragilisée voire totalement « aspirée » par ce confortable mais insidieux trou noir que peut parfois être le télétravail.

Bien évidemment, dans le type d’activité dont il est question ici, il est difficile de parler de tangibilité si l’on n’a pas initialement établi un contrat avec l’employeur stipulant entre autres, la nécessité d’un suivi régulier du processus d’accomplissement, à distance, des tâches confiées. Des spécialistes en RH et en relations sociales (dont V. Berthelot, dans un récent article inspiré par « PénélopeGate ») conseillent aussi la tenue d’un « journal de bord » reflétant la marche du travail, ainsi que l’envoi systématique, « au minimum hebdomadaire, de mails de reporting à votre manager ou employeur ». Cela crée une traçabilité qui serait indispensable au cas de nécessité de présenter quelque preuve du travail accompli.

D’autre part, cultiver sous différentes formes le lien avec les responsables et les collègues de l’entreprise aiderait à conjurer le sentiment d’isolement qui risque d’apparaître dans un moment ou l’autre chez le télétravailleur, nuisant tant à sa productivité qu’à l’ensemble de sa condition socio- psychologique. Absent aux débuts, quand le télétravail poursuivi dans un « chez soi » familier et bienveillant, n’est qu’inspiration et sérénité, ce sentiment d’isolement a tendance à se renforcer à mesure que passe le temps. La solution d’un tel problème peut être, entre autres, l’alternance des deux types de télétravail – celui effectué à domicile proprement dit et celui poursuivi en « co-working », le dernier proposant un espace de plus en plus recherché de travail en commun et de socialisation entre employés de différentes sphères professionnelles.

 

Recommandé pour vous