LES CALL CENTERS, CES LABORATOIRES D’UN MONDE CONNECTE ET GLOBALISE

11 mai 2016

LES  CALL CENTERS, CES LABORATOIRES D’UN MONDE CONNECTE ET GLOBALISE

Mine de rien, le travail d’opérateur dans un centre d’appel (call center) est devenu l’un des jobs les plus emblématiques de l’ère de la mondialisation. Lié à l’externalisation des activités des entreprises (l’outsourcing qui pèse plus de 100 milliards de dollars par an et croît de plus de 5% d’après l’index BPO de Cushman& Wakefield), au développement des nouvelles technologies ainsi qu’à un environnement de plus en plus multilinguistique et multiculturel, les entreprises du contact à distance doivent leur succès également à l’avènement de la génération Y, à son énergie et sa détermination. Les jeunes nés entre 1980 et 2000 et qui constituent dans certains centres d’appel plus des 80% des employés, sont responsables non seulement du succès mais aussi de l’aspect très moderne de ces entreprises.

Celles-ci, en effet, ne datent pas d’hier : des centrales de contact existent depuis déjà des décennies, pourtant, avant la mondialisation et le boom des nouvelles technologies, elles se présentaient plutôt comme des « usines à téléphones » (nous empruntons la formule au Journal du Net) proposant un travail peu attrayant, le plus souvent caractérisé par une monotonie et une répétitivité assommantes. Un tel travail poursuivi par une multitude d’employés dans l’atmosphère glauque d’une grande salle, est resté comme l’une des images les plus emblématiques d’un capitalisme de type tayloriste, déshumanisant et aliénant par la répétitivité des tâches qu’il imposait. Le travail d’opérateur « de contact » a gardé son image passablement dégradante jusque dans les premiers temps de la mondialisation où des call centers commençaient à proliférer au Tiers monde (comme on appelait encore à l’époque les pays dits aujourd’hui « émergeants ») : dans des locaux souvent étroits et insalubres, défiant avec leurs dernières forces la chaleur de l’Afrique ou de l’Asie, des employés s’usaient à exécuter leurs tâches parfaitement monotones.

C’est sur le fond d’un historique aussi peu valorisant que le bouleversement subi, dès les années 2000, par le secteur des services d’accès à distance prend tout son sens. Plus encore – si à la fin du siècle passé la centrale de contact était encore le symbole même d’un travail monotone, privé de la moindre marge de créativité et d’initiative, aujourd’hui il est devenu, comme on l’a mentionné au début, l’un des jobs les plus emblématiques de l’économie mondialisée, et cette fois – dans le sens le plus positif du terme, et partout où des call centers sont actifs – du Pays Bas au Sénégal et de la Roumanie à l’Inde. Au lieu des anciens locaux mornes et grisâtres – de vastes et lumineux bureaux équipés souvent du dernier cri informatique. A la place des employés démotivés et fatigués d’autrefois – de dynamiques représentants de la génération Y, qui, nés avec le nouveau millénaire, ont introduit dans le secteur les principales tendances de leur temps – multilinguisme, multiethnicité, polyvalence des compétences et des aptitudes. Le secteur du contact à distance est devenu lui-même « tendance » : le travail dans les centres d’appel est désormais perçu comme très valorisant. Les enquêtes de satisfaction le montrent, chiffres à l’appui, et des images le corroborent : on y voit de jeunes visages souriants et on y admire un bon environnement de travail. Un bel équilibre hommes- femmes aussi, ces dernières affichant l’aspect de vraies business women.

Et si les images risquent parfois de donner une version sublimée des réalités économiques, on peut dire que, dans le cas particulier des call centers, les visages rayonnants encadrés de casques audio que l’on voit sur les photos ne sont pas très éloignés de la vérité. Dans les vastes bureaux du télésecrétariat partout dans le monde règne une atmosphère de véritable effervescence, d’optimisme et de grande confiance dans l’avenir. Il y a aussi, surtout chez les jeunes opérateurs, un esprit de pionnier – le sentiment d’être les pionniers d’un secteur complètement transformé, en même temps que la conscience de piloter des activités qui sont parmi les fonctions- clés de notre monde connecté : établissement de contact, transmission à distance de l’information.

L’essor des centres d’appel en Afrique, Asie, Amérique latine et l’Europe de l’Est est une illustration d’une mondialisation en action, d’une globalisation à l’œuvre – celle qui réellement transcende les frontières, déplace les plaques internes des régions jusqu’alors économiquement stagnantes, encourage la libre circulation de personnes et de services et, non en dernier lieu – crée des emplois.

Et qui a dit que la libre circulation s’exerce, au niveau européen, dans la seule direction de l’Est vers l’Ouest ? Ces derniers temps, il est devenu tendance pour de jeunes Occidentaux de venir étudier, le plus souvent par le biais du programme Erasmus, en Roumanie et en Bulgarie, enchaînant ensuite avec un premier job dans un des nombreux call centers que comptent les deux pays balkaniques. En effet, ces anciennes dictatures communistes, naguère presque complètement hermétiques aux échanges économiques avec le monde libre, sont aujourd’hui les deux destinations les plus prisées de l’outsourcing en Europe.

 

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