A ce jour, le tribunal d’appel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) est dans l’incapacité de fonctionner. Expert de l’OMC avec plusieurs années d’expérience en tant qu’avocat dans les procédures de règlement des différends et en tant qu’ancien conseiller juridique au Secrétariat de l’Organe d’appel de l’OMC, Me Pablo M. Bentes nous livre son analyse de l’intérieur :
« Les États-Unis, et le président Trump en particulier, œuvrent depuis plus de deux ans pour en arriver à la situation actuelle. En bloquant la nomination de nouveaux membres à l’Organe d’appel de l’OMC, ils ont provoqué sa lente disparition. Il y a deux raisons principales à cela. Les États-Unis ont toujours été de mauvais perdants. Ils ont souvent résisté aux décisions défavorables de l’Organe d’appel, en particulier dans les différends relatifs à des plaintes commerciales concernant des mesures de sauvegarde, des droits antidum-ping ou des droits compensateurs. Néanmoins, au cours des deux premières décennies de l’OMC, les avantages l’ont emporté sur les inconvénients car les Etats-Unis en retiraient des bénéfices notamment dans les domaines de la propriété intellectuelle ou du commerce des services. Mais la donne a changé en 2001 avec l’adhésion de la Chine à l’OMC. Le président Trump a finalement été élu avec un mandat clair pour contrer « l’économie de marché socialiste » chinoise et inverser ainsi la désindustrialisation de l’économie américaine. Aux yeux des États-Unis, l’Organe d’appel de l’OMC est un fardeau pour ce projet car il entrave la lutte efficace contre les pratiques commerciales chinoises.
Que signifie la fin de l’Organe d’appel pour le commerce mondial ? Je ne pense pas que ce sera la fin du système commercial multilatéral ni même de la compétence de l’OMC en matière d’arbitrage. Sans l’Organe d’appel, cependant, le règlement des différends deviendra moins prévisible et moins équitable. Les grandes économies continueront d’avoir l’influence nécessaire pour régler leurs différends commerciaux au sein du système, tandis que les petites économies comme la Suisse considéreront de plus en plus leurs différends comme non résolus. L’Organe d’appel a toujours été la dernière instance dans un processus d’arbitrage à plusieurs étapes. Les groupes d’arbitrage continuent de fonctionner normalement, mais il est probable qu’ils s’écartent de plus en plus de la jurisprudence actuelle. Pour cette raison, la stratégie de traitement des litiges commerciaux sera également plus difficile à définir. Les membres de l’OMC qui ont été défaits contrecarreront de plus en plus les décisions qui leur sont défavorables par des contre-mesures arbitraires telles que des droits de douane ou d’autres mesures qui entravent le commerce. C’est une mauvaise nouvelle pour le commerce mondial. »
À propos de Pablo M. Bentes
Dans le cadre de l’expansion du groupe de pratique Commerce international, Me Pablo M. Bentes, expert réputé de l’OMC, a rejoint le bureau de Baker McKenzie à Genève début novembre 2019.
Avant de rejoindre Baker McKenzie, Pablo M. Bentes a occupé le poste de Managing Director International Trade & Investment chez Steptoe & Johnson. Il est l’un des rares praticiens au monde à représenter avec succès des membres de l’OMC à tous les niveaux de la procédure de règlement des différends, agissant souvent comme avocat principal lors des plaidoiries orales devant les groupes spéciaux de l’OMC et l’Organe d’appel. Au cours de sa carrière, Pablo a été directement impliqué dans plus de 20 cas de dispute portés devant l’OMC, dont quelques-uns des plus importants et des plus complexes à avoir jamais été réglés par l’Organe de règlement des différends de l’OMC. Les cas plaidés avec succès par Pablo à ce jour ont abouti à des décisions historiques établissant la jurisprudence applicable sur un large éventail de questions d’importance systémique, comme par exemple la taxation des services financiers, les subventions à la pro-duction nationale, le rapport entre la santé publique et les droits de propriété intellectuelle, des mesures de protection de l’environnement et des mesures correctives commerciales.
Avant de devenir avocat plaidant auprès de l’OMC, Pablo a été conseiller juridique au Secrétariat de l’Organe d’appel de l’OMC. En cette qualité, il a aidé les membres de l’Organe d’appel à statuer sur des recours dans des domaines aussi variés que, par exemple, l’accès aux marchés agricole et industriel, les mesures correctives commerciales, la propriété intellectuelle, les mesures sanitaires et phytosanitaires, ainsi que les obstacles techniques au commerce. Il a également acquis une connaissance approfondie du mécanisme de règlement des différends de l’OMC et de la meilleure manière dont les membres de l’OMC peuvent l’utiliser pour régler les disputes commerciales.
A propos de Baker McKenzie
Baker McKenzie aide ses clients à relever avec succès les défis de la concurrence sur le marché mondial. Nous résolvons des problèmes juridiques transfrontaliers complexes dans un large éventail de domaines de pratique. Notre culture d’entreprise unique, développée depuis plus de 70 ans, a permis à nos 14 000 employés de comprendre les marchés locaux, de se positionner dans de nombreux systèmes juridiques et de renforcer la confiance que nos clients nous témoignent en tant que collègues et alliés fiables.
En Suisse, plus de 130 avocats à Zurich et à Genève représentent les intérêts de leurs clients avec des compétences professionnelles reconnues et une expérience internationale établie. En tant que l’un des principaux cabinets d’avocats suisses, nous conseillons des entreprises et institutions nationales et internationales dans tous les domaines du droit commercial.