On a tous en tête les images fortes de leaders charismatiques, qu’ils soient issus du monde politique ou de l’économie. Steve Jobs maîtrisant parfaitement ses présentations ou Barack Obama soutenant ses « Yes, we can » par un regard appuyé, pleinement conscient de l’effet produit. Car toute prise de parole en public a pour but de produire un effet pour en recueillir les bénéfices : contrats d’affaires, reconnaissances, élections…. L’objectif principal étant de relever un enjeu, déterminé par la situation présente. Et, pour chaque enjeu, il s’agit de parvenir à se « mettre en-jeu », c’est-à-dire : à savoir utiliser les outils fondamentaux de la persuasion afin de créer cet effet et obtenir ce qu’on est venu chercher.
Ces outils, tant Obama que Jobs les ont travaillés et acquis par de longues répétitions.
Face à leur public, ils ont tous les deux la posture droite, ancrée au sol. Il n’y a aucun piétinement, aucune déstabilisation corporelle (reflétant une déstabilisation émotionnelle). Ils gardent la maitrise parfaite de leur corps dans l’espace, de leur image de leader. Le regard est ciblé sur le public, alors pris à témoin et devenu complice du discours. Ce regard, haut, fier, absolu est ponctué par des ruptures du rythme de locution verbale. Le silence est dense, il soutient les propos énoncés, permet de vérifier l’impact du message. Ces leaders ont le geste puissant qui montre et démontre avec détermination leur raisonnement, appuie leurs propos, enracine leurs arguments. Ce sont les bases du leadership et ces outils sont le fondement du charisme. Un homme – une femme – posé-e, c’est : une voix posée dont on contrôle la portée ; un regard posé sur l’assistance pour établir un contact ; des gestes posés qui souligne les points forts du discours ; une position corporelle (pose-ture) qui conforte le personnage dans son rôle charismatique de leader.
Que penser alors des discours de Donald Trump ou de Johann Schneider-Ammann ?
L’un, homme d’affaire américain et candidat à l’investiture républicaine, est d’abord ce qu’on appelle « une grande gueule ». Il n’a pas sa langue dans sa poche et ose dire ce qu’il pense, même si la plupart de ses propos sont souvent décalés. La façon volcanique qu’il a de se mouvoir, l’énergie débordante qu’il déploie, la hardiesse avec laquelle il galvanise la foule lui confèrent ce leadership quasi naturel de celui qui a réussi. Il a le geste large, agité, qui souligne ses propos tous aussi provocateurs, le regard qui embrasse en permanence la foule, la bouche grande ouverte qui éructe un discours empreint de déterminisme en rabâchant sans cesse les valeurs morales d’une Amérique qui a peur. Il est constamment dans l’acte de séduction et nous offre une certaine voltige du de l’art de la persuasion.
L’autre, homme d’affaire suisse et Président de la Confédération helvétique, affiche une personnalité plutôt réservée. Il nous a fait l’honneur dernièrement d’un discours emplit de platitude, morne, insipide, sans aucune marque de charisme. Une désynchronisation totale entre ses propos et sa corporelle. Si la teneur du discours évoquait la joie, le corps restait sans vie, aucune flamme ne l’animait. Le visage exprimait plutôt l’ennui, le regard vide, concentré sur le prompteur. Il ânonnait son texte, n’adressant son message à personne. Le phrasé mou, l’élocution monorythmique (d’où une somnolence), les gestes inexistants, tout restait figé.
Cette différence de caractère entre ces deux orateurs, leur façon de prendre la parole, de mettre leur posture de leader au service de leur discours, ou non, nous montre bien cet effet produit et son impact. Deux poids, deux mesures, mais l’un a nettement plus de chance de persuader que l’autre !