Les implications fiscales du changement de domicile

26 juin 2024

Les implications fiscales du changement de domicile

Photo © Indigita

Par Achille Deodato CEO – Indigita SA et Romain Potet CEO – BRP Tax SA

À l’ère actuelle, où la mobilité accrue et les changements politiques influencent les décisions d’investissements financiers, il est essentiel de bien comprendre les implications fiscales liées à un changement de domicile. Les gouvernements adoptent diverses approches en matière de politiques fiscales. Certains pays suppriment des régimes avantageux ou certaines niches fiscales, tandis que d’autres introduisent des incitations pour attirer les personnes fortunées, appelées High Net Worth Individuals (HNWI). Par exemple, récemment, le Royaume-Uni envisage de supprimer le régime spécial pour les résidents non domiciliés (UK Resident Non-Domiciled, UK RND), et le Portugal a mis fin à son régime fiscal avantageux pour les résidents non habituels (RNH), notamment pour les retraités. À l’inverse, des pays comme l’Italie, la Grèce et les Émirats Arabes Unis courtisent activement les HNWI avec des régimes fiscaux favorables. Face à ces développements, il est crucial de prendre en compte divers critères fiscaux lors d’un changement de domicile pour garantir des résultats financiers optimaux et la conformité avec les lois locales.

Changer de domicile, ou de résidence principale, peut avoir des implications fiscales significatives. Le domicile désigne généralement l’endroit où une personne a sa résidence avec l’intention de s’y établir durablement. Lors de la planification d’un changement de domicile, il est crucial de considérer différents aspects fiscaux afin d’éviter des risques inattendus. Chaque pays dispose de ses propres critères pour déterminer la résidence fiscale et assujettir une personne physique de manière illimitée. La résidence fiscale est une notion de fait qui repose généralement sur une présence physique dans un pays. En principe, elle est déterminée par des critères objectifs tels que la présence dans le pays pendant plus de six mois, la localisation de la famille, l’exercice d’une activité professionnelle ou commerciale, le lieu principal de résidence, le centre des intérêts économiques, ou encore la nationalité. Les autorités examinent l’ensemble des faits et circonstances. Sans une planification rigoureuse du changement de résidence, une personne peut être reconnue comme résidente fiscale dans plusieurs pays, et la double imposition du revenu ne peut alors être évitée que par l’application d’une convention fiscale bilatérale (DTT) en vigueur entre les deux pays. S’il est souvent conseillé de rompre clairement ses liens avec l’ancien pays et de démontrer une connexion claire avec le nouveau, le réseau de conventions du nouveau pays de résidence doit aussi être prise en compte.

La majorité des états financent leurs dépenses par les impôts. Pour les personnes physiques, les contributions concernent l’impôt sur le revenu et parfois l’impôt sur la fortune. Les taux d’imposition sur le revenu varient considérablement d’un pays à l’autre et peuvent être fixes ou progressifs. Cependant, il existe de nombreux régimes fiscaux à faible taux d’imposition, voire des juridictions sans impôt. Si l’impôt est en règle générale prélevé sur les revenus mondiaux, certains pays ne taxent que les revenus générés sur leur territoire.

Lors d’un changement de résidence, il est également nécessaire d’évaluer les conséquences fiscales en cas de réalisation de plus-values lors de la vente de titres ou d’immeubles. Généralement, l’imposition peut être atténuée en fonction du gain réalisé ou du type d’investissement et des déductions fiscales sont admises selon la durée de détention du bien vendu. De même, certaines juridictions exonèrent d’impôt sur les plus-values réalisées dans le cadre de la fortune privée. Une planification des ventes par étape avec une chronologie préétablie est recommandée. En effet, par exemple, la vente d’une résidence principale après un déménagement peut être problématique car les autorités fiscales appliqueront le traitement fiscal des plus-values selon le régime des non-résidents.

Par ailleurs, certaines juridictions peuvent imposer une « exit tax » ou taxe de sortie sur les plus-values latentes lorsque des contribuables transfèrent leur résidence fiscale vers un autre pays. Dans ce cas, les plus-values latentes sont calculées à la date du départ, et le taux d’imposition adéquat est appliqué. Dans certains cas, l’impôt peut être automatiquement reporté ou annulé si le contribuable s’installe dans un pays qui n’est pas sur la liste noire ou qui est membre d’une union économique. En revanche, si le pays d’émigration figure sur une liste noire, une personne peut toujours être considérée comme résidente fiscale dans le pays d’origine pendant plusieurs années.

Concernant le mode de détention des avoirs de la fortune privée, de nombreux pays ont intégré dans leur législation fiscale nationale des règles anti-abus visant à traiter les revenus de certaines entités comme les revenus personnels des propriétaires ou des individus détenant le contrôle. Les entités qui ne remplissent pas certains critères, comme l’existence d’une substance économique et un niveau d’imposition suffisant pour les sociétés, sont considérées comme fiscalement transparentes. En conséquence, ces lois fiscales adoptent une approche dite « look-through » pour les structures détenues de manière restreinte. Ainsi, tout revenu généré par ces entités est réparti entre les individus associés à celles-ci, tels que les actionnaires de la société ou les constituants et bénéficiaires d’une fondation ou d’un trust.

Également, la transmission de patrimoine à titre gratuit par donation ou succession peut générer un événement fiscal selon le pays de résidence du donateur ou du défunt, ou pour certaines juridictions, selon le domicile des donataires ou héritiers. Plusieurs pays imposent leurs propres taxes sur les successions et donations, avec des montants d’exemption et des taux variables selon le degré de parenté. Une planification spécifique est donc requise. Dans certains cas, comme pour les nouvelles mesures envisagées par le Royaume-Uni, il se pourrait que les impôts sur la succession du pays de départ « suivent » pendant une période déterminée, même de plusieurs années.

En outre, pour les investissements financiers existants, il est essentiel de consulter un conseiller financier pour analyser leur pertinence dans le contexte fiscal du nouveau pays de résidence et ajuster le portefeuille titre en conséquence. En effet, certains placements peuvent entraîner une imposition défavorable avec des obligations administratives contraignantes. De plus, de nombreux traités de double imposition interdisent l’accès aux avantages de la convention aux personnes bénéficiant d’un régime fiscal particulier qui exonère le revenu. Ainsi, le pays de l’émetteur d’un produit financier doit être pris en compte dans le processus d’investissement, notamment en cas de retenue à la source sur la distribution des dividendes ou sur les intérêts sans possibilité de dégrèvement d’impôt.

En conclusion, bien que changer de résidence puisse offrir des avantages fiscaux significatifs, cela nécessite une planification rigoureuse à long terme et une bonne compréhension des implications fiscales. Faire appel à un professionnel de la fiscalité, compétent à la fois en droit fiscal national et international, peut faciliter une transition en douceur et garantir une sécurité juridique avec une fiscalité efficiente. Il est important de considérer les futures sources de revenus, les contrats en cours, les plans de prévoyance et les éventuelles réformes législatives à venir lors du choix d’un nouveau domicile. Cela permettra d’optimiser la situation financière et d’éviter des surprises coûteuses dans le nouveau pays de résidence.

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