Par Daniel Hurley, Associate Portfolio Specialist, Emerging Markets, T. Rowe Price
Le mariage de la finance et de la technologie, ou Fintech, trouve naturellement sa place dans les marchés émergents (EM), où l’offre pour des services traditionnels bancaires ou d’assurance est généralement faible. Le manque d’infrastructures et l’essor des téléphones mobiles permettent aux marchés émergents de se tourner vers des solutions financières alternatives. Dans de nombreux cas, les consommateurs sont passés directement à des solutions en ligne, sans avoir eu accès à des services bancaires traditionnels. Ces sociétés fintech touchent un public de plus en plus large, offrant des services uniques que les banques traditionnelles ne peuvent proposer. De nombreuses sociétés EM sont à la pointe, ce qui offre de plus en plus de possibilités aux investisseurs.
Près de 2 milliards de personnes dans le monde n’ont toujours pas de compte bancaire – la plupart d’entre eux vivent dans les marchés émergents. Les progrès réalisés dans le domaine des technologies de l’information et de la communication (TIC) permettent d’élargir l’inclusion financière. Les consommateurs ont de plus en plus accès à de nouvelles innovations apportées par les entreprises de services financiers en matière de produits et de services.
La multiplication rapide des téléphones portables et l’amélioration des connexions internet ont été les principaux moteurs de cette tendance. Comme les infrastructures peuvent être limitées, de nombreux pays émergents pourraient être décrits comme « mobile first ». Pour beaucoup de gens, les téléphones mobiles sont leur seule possibilité d’accès aux outils financiers, aux informations et à d’autres services vitaux. Les entreprises de Fintech utilisent cela à leur avantage, en concevant des solutions financières pour répondre aux exigences spécifiques de ces marchés.
L’Asie est à l’avant-garde de la révolution Fintech, leader dans l’adoption par les consommateurs de produits et services de technologie financière. En Chine et en Inde, plus de la moitié des consommateurs actifs en ligne ont déclaré utiliser régulièrement les services fintech, selon une enquête menée en 2017 par Ernst & Young. Parallèlement, l’Afrique subsaharienne recense plus de la moitié des services de paiement par téléphone portable dans le monde. Avec une croissance massive de la classe moyenne émergente dans le monde, les entreprises fintech saisissent l’opportunité.
Le faible taux de pénétration des cartes de crédit et de débit peut être un signe précurseur de l’innovation numérique. Cela a stimulé l’essor des solutions numériques qui sont devenues de plus en plus populaires dans les économies émergentes. Des entreprises comme Alibaba ou Tencent ont bénéficié de l’énorme croissance dans ce domaine.
Cela devient particulièrement évident pendant le Nouvel An chinois, lorsqu’un nombre croissant de hóngbāos – cadeaux en espèce offerts pour des occasions spéciales – sont échangés virtuellement via des applications mobiles. Rien qu’en 2019, plus de 820 millions d’ »enveloppes rouges » électroniques ont été envoyés pendant les vacances du Nouvel An chinois, selon WeChat.
Les technologies mobiles et dans le cloud peuvent également contribuer à résoudre les problèmes de salaires. Des entreprises telles que M-Pesa, permettant le transfert d’argent par téléphone mobile au Kenya, ont été à l’avant-garde à cet égard. Cela signifie que les employeurs peuvent payer leurs travailleurs par voie électronique, même s’ils ne disposent pas d’un compte bancaire.
L’Afrique est leader mondial des paiements par mobile. C’est une composante importante du panorama des services financiers du continent. Les opérateurs de réseaux mobiles ont été les premiers à en tirer parti, mais, plus récemment, les sociétés fintech ont établi des liens solides sur le marché, et plusieurs banques commencent à se livrer une concurrence agressive pour fournir à la clientèle des services bancaires mobiles.
Alors que certaines banques ont choisi de faire cavalier seul, d’autres forment des partenariats dans l’espoir d’atteindre ce marché plus rapidement. Ces sociétés couvrent toute la gamme des services financiers : paiements et comptes courants, épargne, prêts, investissements et assurances. Un peu plus de la moitié des 282 services de transfert d’argent par téléphone mobile opérant dans le monde se trouvent en Afrique subsaharienne, selon la GSMA, une organisation qui représente les intérêts des opérateurs de réseaux mobiles dans le monde entier.
Un rapport récent de McKinsey mentionne qu’il y a environ 100 millions de comptes actifs en Afrique aujourd’hui. Ce chiffre dépasse de loin l’adoption par les clients en Asie du Sud, avec 40 millions de comptes d’argent mobile actifs, ce qui fait de cette région la deuxième en termes de part de marché pour les paiements mobiles. Et ces entreprises résolvent un véritable problème. Jusqu’à récemment, il aurait été difficile pour les travailleurs migrants de Nairobi, par exemple, d’envoyer leur salaire à leur famille qui vit à la campagne. Aujourd’hui, ils peuvent le faire en appuyant sur un simple bouton.
Nous sommes enthousiasmés par le potentiel des paiements électroniques, où les possibilités sont vastes et pourraient amener un bouleversement dans le secteur des transferts. Jusqu’à présent, la première étape dans la vie d’un commerçant consistait à se rendre à la banque pour chercher un financement afin de lancer son entreprise. Aujourd’hui, les commerçants démarrent en choisissant un software qui les aidera à gérer leur nouvelle activité. Ce changement entraîne une évolution de la chaîne des paiements, qui se détourne des banques pour aller vers des fournisseurs de logiciels de paiement.
Mais le secteur des paiements a encore de la marge pour évoluer. En plus des paiements par logiciel, les paiements interentreprises (B2B) vont probablement aussi faire parler d’eux dans le secteur des fintech. Ces entreprises cherchent à combler le vide laissé par le retrait des banques face aux prêts aux petites et moyennes entreprises (PME), tout en proposant des solutions en matière de traitement des paiements et de rationalisation des flux de travail. Le B2B est un marché de plusieurs milliards de dollars qui rivalise en taille avec le secteur des paiements à la consommation. Les sociétés commencent tout juste à s’orienter vers des technologies de paiement plus modernes et à s’éloigner des processus manuels. Cela pourrait stimuler la croissance du secteur des paiements pour de nombreuses années à venir.
L’inclusion financière dans les marchés émergents est devenue encore plus importante pendant la pandémie du coronavirus. Pour ceux qui n’ont pas accès aux téléphones portables, la possibilité de se rendre dans des banques et de gérer leur argent a été encore plus limitée, voire entièrement supprimée, aggravant la disponibilité et le soutien déjà très limités offerts par les banques traditionnelles dans de nombreux pays émergents. Les solutions mobiles s’avèrent être une bouée de sauvetage dans les économies émergentes, et cette question de l’accessibilité a été placée au premier plan dans l’esprit des consommateurs. Ceux qui ont pu accéder à internet sur ces marchés constatent que grâce à leurs services fintech, ils ont pu instantanément avoir accès à leurs ressources financières pour maintenir leurs affaires et leurs achats usuels.
Alors que le monde entier évolue vers une nouvelle réalité, les entreprises disposeront d’une multitude d’opportunités post-pandémie. De nouvelles idées apparaîtront à mesure que les gens réaliseront que les outils numériques sur lesquels ils ont compté pendant cette crise sanitaire fournissent en réalité des services cruciaux, quelles que soient les conditions. Les entreprises Fintech peuvent utiliser cette opportunité pour se construire une réputation solide et sortir encore plus renforcées dès que la crise sera passée.
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