En un certain sens, et par les voies insondables du hasard, les tensions de plus en plus fortes entre l’Ukraine et la Russie au sujet du Donbass, le bassin houiller situé à la frontière entre ces deux pays, surviennent dans un moment difficile pour le président Volodimyr Zelensky. Elles tombent à un point nommé pour que les problèmes économiques dans lesquels se débattait depuis des mois l’atypique président ukrainien soient temporairement oubliés.
En effet, le showman qui aujourd’hui met l’uniforme militaire et s’en va inspecter les troupes ukrainiennes sur la ligne de front de Donbass, était hier encore confronté au décevant bilan de son mi- mandat et devait enregistrer une baisse de popularité pour le moins embarrassante. Venu au pouvoir en 2019 avec pas moins de 73% des voix après avoir soulevé une puissante vague d’enthousiasme et de grands espoirs, Zelensky devait lui-même reconnaître, récemment, son échec de combattre la pauvreté de la population.
Cela nous amène à nous intéresser de plus près au bilan économique des humoristes devenus les chefs d’Etat de leur pays.
Célébrés comme des « sauveurs » de populations exaspérées par la « trahison des élites », les comédiens- politiciens (que ces mêmes élites, assimilent, en retour, aux « populistes »), réussissent-ils, comme ils le promettent au départ, à réduire les injustices économiques ou, à l’instar de Zelensky, y échouent ?
Il est très difficile de dresser un tableau univoque des réalisations ou, respectivement, des fiascos, des showmen venus au pouvoir. Ayant débuté aux Etats- Unis avec Reagan, c’est aussi sur terre américaine que le phénomène des comédiens reconvertis en chefs d’Etat a enregistré ses vrais succès. Ronald Reagan lui-même est resté indépassable en la matière. Ancienne vedette de cinéma devenu président des USA, il avait a consacré son premier mandat au redressement économique de l’Amérique et le second – au renversement du Rideau de fer. Ni plus ni moins.
Grâce à la détermination et à la volonté de ce septuagénaire souriant et distillant sans cesse des blagues, dès 1982, les Etats-Unis avaient retrouvé une santé économique sans faille : fonctionnant à merveille, la « Reaganomics » avait ramené l’inflation de 12% à 2% et boosté le taux de croissance à plus de 3%. En même temps, défiant sans cesse l’URSS qu’il avait entraînée dans de faramineuses dépenses militaires, Reagan avait mis à genoux l’économie soviétique et provoqué l’effondrement de tout le système communiste. C’est ainsi que cet ancien cowboy hollywoodien avait réussi à gagner non seulement son pari économique mais aussi… la Guerre froide.
Plus proche de nous – on n’est pas près de l’oublier – un autre showman américain, producteur exécutif de programme de téléréalité et de concours de beauté, a tenté sa chance pour « rendre l’Amérique grande à nouveau ». Et si Donald Trump reste une figure controversée et passablement extravagante, on ne peut pas dire que sur le plan économique, il ait complètement démérité. En effet, pratiquant, à l’instar de Reagan, une baisse massive des impôts, le sulfureux 45-ème président des Etats- Unis, a boosté l’économie et réduit le chômage à un taux historiquement bas : 3,6%, en la dernière année de son mandat, avant la crise « covid ».
A la différence de leurs collègues en Amérique qui ont à lutter contre des problèmes précis et concrets – le chômage, le déclassement et le problème des inégalités – les showmen de l’Est partis à la conquête du pouvoir, doivent combattre un fléau supplémentaire – la corruption.
Or, il s’agit là d’une nébuleuse insaisissable et floue dont les innombrables trous noirs engloutissent sans cesse de nouvelles bonnes volontés et de nouvelles forces réformatrices. Les énergies les plus fraîches et les meilleures intentions s’y abîment. Sincères au départ et pleins de détermination pour améliorer l’état des choses dans la société, de nombreux « nouveaux visages » se laissent à leur tour acheter, corrompre, séduire… à moins qu’ils ne l’aient été dès le début et qu’ils aient joué une comédie, une vraie.
C’est ce que, par exemple, les mauvaises langues prétendent obstinément au sujet de Zelensky : le showman aurait été pendant tout le temps un pion entre les mains d’Ihor Kolomoïsky, oligarque ukrainien, propriétaire de la chaîne où le futur président s’était produit comme comédien. Idem pour le Bulgare Slavi Trifonov. Le « Zelensky » balkanique vient à peine d’entrer au Parlement, il y a seulement deux mois, que des bruits tenaces circulent déjà sur ses liens avec ce qu’on appelle « l’arrière-scène » – mot emprunté (bien significativement !) au vocabulaire théâtral pour désigner les oligarques- marionnettistes qui manipulent tout le monde, y compris leurs détracteurs. Et qui rient les derniers, une fois la comédie finie…
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