Levées de fonds: une course d’obstacles pour les femmes entrepreneures

16 novembre 2022

Levées de fonds: une course d’obstacles pour les femmes entrepreneures

Photo Leila Delarive © Amplify

Par Sabah Kaddouri

De la Silicon Valley à la Suisse, collecter des fonds est une course d’obstacles pour les femmes entrepreneures. Sous-représentées dans la grand-messe des tours de table, les femmes sont mises au ban et doivent montrer patte blanche pour convaincre les investisseurs. Lumière sur une inégalité qui perdure.

Comment concilier entrepreneuriat et vie de famille ? Comment gérer sa société en cas de grossesse ? Est-on capable de faire preuve de combativité et de capacités managériales à toutes épreuves ? Autant de questions auxquelles sont assaillies les cheffes d’entreprise souhaitant faire appel à des investisseurs. C’est un leitmotiv, un refrain qui rappelle combien les biais existent et persistent dans le monde des affaires encore loin d’être égalitaire sur ce plan aussi. L’argent, un nerf de la guerre dont manquent cruellement les femmes startuppers ambitionnant d’accélérer. « Les hommes seront interrogés sur le potentiel de gains, et les femmes sur le potentiel de pertes », souligne Géraldine Le Meur, business angel française notoire et auteure du livre Entreprenez comme elles ! (éd. Diateino).

Il y a une méfiance systématique envers les projets portés par ces-dernières qui s’expriment par une grande frilosité, un manque de soutien et par une injonction au dossier parfait. Leila Delarive, fondatrice et CEO de la société technologique Amplify, une plateforme publicitaire qui permet aux entrepreneurs, TPE/PME de lancer en moins de trois minutes une campagne publicitaire digitale multicanale grâce à l’automatisation du processus d’achat média, le confirme : « Pour accéder à l’étape du pitch et décrocher le graal, il faut un dossier béton ! ». L’avocate de formation, aujourd’hui femme d’affaires à succès fait partie de ces 3% de Suissesses à avoir réussi dans cette course d’obstacles, à ce jour ce sont ainsi près de 2.6 millions CHF de sommes levées par Amplify. La Lausannoise est à présent engagée dans un nouveau tour de table d’un montant de 2 millions CHF. Leila Delarive a embarqué des investisseurs expérimentés comme Roland Brack, dit le « Jeff Bezos alémanique », Bettina Hein ou encore Anja Graf.

Victoria Branson © Yanina Kaufman

Quant à l’experte en Personal Branding Victoria Branson qui accompagne des clients en Suisse comme à l’international, il faut continuer à œuvrer énergiquement pour briser le plafond de verre. « En 2022, on accorde malheureusement encore peu de crédibilité aux entrepreneures avec des clichés qui n’évoluent pas notamment sur la maternité. Néanmoins, les choses évoluent petit à petit. Dans la Silicon Valley où les start-up fleurissent régulièrement, il n’y avait que deux femmes à la tête d’une licorne en 2013, aujourd’hui il y en a plus d’une dizaine ! », se réjouit la coach de dirigeants. Pour l’heure, Victoria Branson parvient à développer son activité sans apport de venture capital, sa croissance organique elle la doit surtout à de solides partenariats, à une offre de services pointus et aux recommandations de ses clients. « A moyen-terme, il n’est pas improbable que je me lance ! Lever des fonds pour changer d’échelle reste une étape indispensable. Dans cette hypothèse, je m’adresserai à des fonds d’investissement gérés par des femmes, comme Leia Capital. Elles sont entrepreneures, femmes, mères de famille et sont conscientes que tout concilier est possible. », confie-t-elle.

Faire preuve d’ingéniosité, d’émulation, d’entraide : les femmes l’ont bien compris, elles se doivent de cultiver la sororité pour percer dans cet univers conçu par les hommes, pour les hommes. Des personnalités influentes à l’image de Melinda French Gates ou Sheryl Sandberg, ancienne numéro deux de Meta (ex-Facebook), allouent depuis plusieurs années des sommes considérables en soutien à leurs congénères aux fins de combler ces disparités via différents véhicules d’investissement. «Je suis convaincue que nous passons à côté d’idées révolutionnaires en ne mettant pas de ressources à la disposition des femmes. », a déclaré la puissante philanthrope américaine Melinda French Gates.

Même si la route vers un rééquilibrage est encore longue, la dynamique est belle et bien enclenchée.

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