L’Homme est-il encore au cœur des fondations de notre système économique ?

5 décembre 2011

L’Homme est-il encore au cœur des fondations de notre système économique ?

Aujourd’hui, partout, dans tous les domaines, l’individu est devenu un numéro, un boulon que l’on serre ou que l’on desserre en fonction d’actionnaires, d’indices, de statistiques et de parts du marché. Pourtant, au sein du cadre professionnel, il fut un temps où l’entreprise était garante de valeurs, du bien-être, de la croissance humaine et professionnelle de ses salarié(e)s.

En à peine trois décennies, nous avons fait de la valeur travail une aliénation face au rêve d’une consommation sans limite. La Matrice a accouché de consommateurs surendettés et frustrés de ne pouvoir consommer davantage et plus vite. Le zéro limite et l’argent roi prônés par une promotion mercantile libertaire est devenu liberticide.

Nous assistons à la fin d’une grande illusion. Nos grandes démocraties ont-elles vendu leur âme et leur culture à la loi des marchés au lieu de se battre pour que l’Homme reste le cœur de l’économie mondiale ?

L’espace virtuel quant à lui offre une porte de sortie dérobée sur un autre monde qui affiche jour après jour le mensonge de l’individualisme comme valeur suprême de l’économie. Cependant, n’oublions pas qu’un pan entier de l’humanité avec ses pays émergents a pour projet de société de devenir comme nous. Ils nous regardent et lèvent la tête en quête du Graal de la réussite individuelle. Nous, nous l’avons perdu en chemin cette chimère, et eux suent sang et eau pour s’enivrer de produits de luxe (pour la masse il s’agit de s’extraire du seuil de la misère). Nous, les occidentaux, après avoir placé l’Homme au cœur des fondations de notre cité, nous l’avons démonté pièce par pièce et mis au rebut telle une vieille machine obsolète. Comme pour les Etats qui crurent au dogme de l’infaillibilité et se jetèrent allègrement au fond du gouffre, peut-être nous sommes-nous crus immortels ?

Aujourd’hui ce qu’il nous manque, contrairement à une grande partie de l’humanité tournée vers notre modèle, c’est un projet fédérateur pour l’ensemble de nos populations. Nous cherchons un second souffle. Notre regard est plongé dans un ailleurs, mais n’avons-nous pas en nous tous les ingrédients de cette nouvelle ère ?

Du matin au soir, les journaux, les télévisions et les radios nous inondent d’informations sur le thème de la crise. Des experts et des spécialistes conjurent la mauvaise nouvelle et taclent le mauvais sort. Un flot continu de mots malmènent nos oreilles attentives, nous entendons tout et son contraire, à croire que tous brassent du vent… Tantôt, on nous parle d’une crise de la dette « conjoncturelle » des Etats, tantôt il s’agit d’une crise « structurelle ». Elle semble être systémique et endémique sur le fond.

Mais quel sens attribuent nos gouvernants aux mots qu’ils prêchent de nos jours à tout va : « discipline », « éthique », « responsabilité » et « rigueur » ? Par exemple, pourquoi depuis plus de vingt ans, la France n’a pas entendu et pris acte des recommandations de la Cour des comptes ? Comme pris au dépourvu, les politiciens de tous bords semblent écoper l’eau du Titanic avec des gobelets en plastique. Ils surfent face à leur population entre démagogie, populisme et peur de l’avenir. Les mesures prises s’apparentent le plus souvent à des « mesurettes » qui ressemblent à des sacs de sable pour arrêter un tsunami.

Néanmoins, tout ne repose pas sur les seules épaules des Etats, car ici et ailleurs, des hommes et des femmes parient sur l’effondrement de l’Europe, de tel pays, de tel autre, de telle entreprise ou de telle autre. Nous sommes dans un duel à mort dans lequel les parieurs miseraient sur la disparation d’un des protagonistes ou mieux encore de tous en même temps. Le taureau est dans l’arène. Il est entouré par des spéculateurs et des investisseurs qui, tels des vautours, attendent le dernier ordre pour asséner le coup de grâce fatal (voir le documentaire : Les nouveaux maîtres du monde, Goldman Sachs). A ce titre est-ce que l’information du déclassement du triple A de la France est une erreur ? Ou est-ce un coup d’essai qui s’inscrit dans une stratégie globale ? Une sorte de répétition avant l’heure fatidique pour certains et festive pour d’autres.

Et c’est ainsi qu’en à peine quelques mois, nous sommes passés de la fin du dollar annoncée par les analystes, les écrivains et autres érudits, à celle de l’euro. Mais en fin de compte, se pourrait-il que nous soyons en guerre ? L’Europe, la Chine et les USA, trois univers qui luttent par tous les moyens pour leur survie et leur croissance. Une alchimie explosive pour une guerre souterraine du billet vert, de l’euro et du yuan.

Dans ce marasme schizophrène, comment voir venir les coups quand ceux qui tirent les ficelles se cachent derrière celles de la bourse et de la finance ? Et comment saisir quels sont les rôles et les implications réelles des acteurs (marchés, sociétés civiles, Etats, agences de notation, banques) dans cette partie de roulettes russes ? Certains d’ailleurs ont la fâcheuse idée de prévoir une « bonne » guerre mondiale (classique et cyber) comme projet fédérateur, alors que d’autres pensent peut-être à l’assainissement de leurs finances personnelles et leur accroissement ?…

Nicolas-Emilien Rozeau – Chroniqueur chez Le Monde Economique

 

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