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Par Andrea Briganti, Head of e-Learning Indigita SA
Les problèmes liés au blanchiment d’argent représentent un défi quotidien pour les responsables de la conformité des intermédiaires financiers en Suisse. Cela n’est pas seulement dû à la pléthore de réglementations complémentaires telles que la loi sur le blanchiment d’argent, diverses ordonnances de la FINMA, la CDB, les lois sur les embargos, les délits fiscaux, l’exploitation d’informations d’initiés, les articles 305bis et 305ter du code pénal, et plus encore, mais aussi au fait que les responsables de la conformité peuvent voir leur responsabilité personnelle engagée en cas d’infraction. Les sanctions peuvent aller de mesures administratives, y compris l’interdiction d’exercer et le retrait de l’autorisation, à des procédures pénales pouvant entraîner des amendes et des peines d’emprisonnement.
La crainte d’une infraction potentielle est si importante que le MROS (Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent) reçoit un grand nombre de notifications fondées sur des soupçons raisonnables. En effet, selon l’article 9 de la loi sur le blanchiment d’argent, les intermédiaires financiers sont tenus de signaler sans délai au MROS tout relation d’affaires ou transaction qui aurait engendré des soupçons (non clarifiés) quant à l’origine criminelle des valeurs patrimoniales impliquées. Le panorama réglementaire ne risque par ailleurs pas de se simplifier, par exemple avec les cryptomonnaies et la digitalisation financière des biens traditionnels.
Par exemple, en nous aventurant au-delà du paysage réglementaire familier de notre région et des classes d’actif traditionnelles, le GAFI (Groupe d’action financière) a publié récemment un document traitant du blanchiment d’argent sur le marché de l’art traditionnel et numérique, qui englobe les NFTs.
C’est également dans ces nouveaux domaines que les compétences et les systèmes mis à disposition du responsable de la conformité doivent évoluer pour englober la surveillance des relations d’affaires et des transactions initiées par des clients opérant sur des marchés qui dépassent le cadre financier traditionnel.
Néanmoins, il n’y a pas que les réglementations qui posent des défis aux responsables de la conformité ; la tolérance au risque de la banque et l’approche des gestionnaires de relations sont deux facteurs importants qui peuvent entraver la gestion efficace des risques de blanchiment d’argent.
Chaque banque doit définir des critères pour classer les clients à haut risque, ce qui peut entraîner des mesures de contrôle trop strictes ou insuffisantes. En outre, les chargés de clientèle sont tenus de fournir une assistance adéquate dans la préparation de la documentation KYC (Know Your Customer), dans l’exercice d’une diligence raisonnable à l’égard de la clientèle (CDD) pour vérifier l’origine des fonds, ou dans la corroboration appropriée des transactions (KYT). Tout cela sans tenir compte des complexités liées à l’ouverture ou à l’audit de comptes pour des personnes politiquement exposées (PEP) étrangères et suisses, des organisations internationales (fédérations sportives, organisations intergouvernementales), des sociétés d’exploitation non cotées, et des structures connexes.
Une publication récente de la FINMA d’août 2023, qui souligne les lacunes dans les pratiques de surveillance liées à l’évaluation des risques de blanchiment d’argent, témoigne de ces défis. En particulier, l’organe de supervision a identifié l’absence d’un seuil bien défini pour la tolérance au risque de blanchiment d’argent, ce qui signifie qu’il n’y a pas de limites auto-imposées clairement établies pour atténuer ces risques.
Compte tenu des questions abordées, il est impératif que les intermédiaires financiers prennent des mesures concertées pour minimiser les risques identifiés. Cela peut se faire en allouant des ressources financières adéquates permettant au département de conformité d’améliorer le système de contrôle interne, y compris la mise à niveau des systèmes informatiques. En outre, une formation complète devrait être dispensée à toutes les parties prenantes au sein des établissements bancaires, afin que les questions liées à la conformité ne soient plus perçues comme des obstacles, mais plutôt comme des compétences cruciales contribuant au succès des affaires, pour la banque et pour les clients.
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