Photo © Sophie Spierer & Jeremy Spierer
L’homme a dans les yeux la lueur de ceux qui ont le feu sacré, assortie d’une volonté farouche et de fortes convictions sociales et humanistes.
Depuis 2019, Ivan Haro dirige PRO, une entreprise sociale et privée de 650 employésqui vise la réinsertion des personnes en situation de handicap.
De la bienveillance, mais pas de la complaisance. S’il est une phrase qui pourrait résumer le style du directeur général de PRO, entreprise sociale privée genevoise, c’est bien celle-ci. Ivan Haro est de cette trempe de dirigeants qui s’appliquent à eux-mêmes ce qu’ils exigent d’autrui, avec la perfection en ligne de mire, mais aussi le réalisme de ceux qui savent qu’elle est, par définition, inaccessible. Mais qu’importe, sans cesse il faut remettre l’ouvrage sur le métier, travailler, s’améliorer pour tenter d’obtenir le meilleur. Un meilleur d’autant plus indispensable que, plus encore que pour toute autre entreprise, PRO fonde son activité sur l’humain.
Fondation à but non lucratif de droit privé et reconnue d’utilité publique, l’entreprise réussit le tour de force de vivre à 80 % des biens et services qu’elle délivre à ses quelque 800 clients, assurés par une « ressource humaine » de premier plan et de haute qualité : des hommes et des femmes, des jeunes et des moins jeunes, dont une majorité exclus du monde du travail en raison d’un handicap.
« Cette entreprise, avec toutes ses imperfections comme toutes les entreprises, est la plus belle du monde, s’extasie avec une lueur dans les yeux, Ivan Haro. C’est un lieu où tout commence par un regard, une poignée de main, un bonjour et surtout du respect, véritable point de départ de tout, avec à l’arrivée, une immense fierté pour nous de prouver chaque jour que handicap n’est pas égal à incompétence ».
Alors, dans son management, Ivan Haro puise son inspiration auprès de deux figures bien éloignées l’une de l’autre : Henry Ford et… Marc-Aurèle. Le premier, célèbre homme d’affaires, est à l’origine de la fameuse Ford T qu’il a produite en série à des millions d’exemplaires inscrivant définitivement l’automobile dans le rêve américain. « Sauf que lui séquençait le travail pour maximiser la productivité, sourit Ivan Haro, tandis que chez PRO, nous faisons l’inverse puisque nous séquençons le travail pour permettre à chacun de trouver sa place et un sentiment d’utilité ».
Chez PRO donc, c’est sur l’environnement de travail que l’on agit pour permettre à une personne « qui est a priori considérée comme pas capable de travailler dans un environnement classique, de contribuer à la bonne marche de l’entreprise et aussi même à l’essor d’une région ».
Et puis il y a Marc Aurèle, auteur de la célèbre maxime « Ô dieux, donnez-moi la sérénité d’accepter ce que je ne puis changer, le courage de changer ce que je puis et la sagesse d’en connaître la différence. » Une maxime qui pour Ivan Haro, toujours soucieux « de faire de son mieux », sonne comme un rappel de l’humilité que l’on se doit d’arborer lorsque l’on dirige une entreprise comme PRO, avec son immanquable lot de réussites et d’échecs.
Bien plus de réussites que d’échecs d’ailleurs, car au cours des quatre dernières années, PRO a surmonté trois défis majeurs : une profonde crise structurelle qui a conduit à l’arrivée d’Ivan Haro à la direction de l’entreprise en 2019, la pandémie de Covid avec l’impact que l’on sait sur l’ensemble du monde du travail, et un déménagement dans de nouveaux locaux, un véritable défi dès lors qu’il s’agissait en parallèle, de maintenir sans sourciller l’ensemble des prestations assurées aux clients de l’entreprise.
Et ce n’est pas tout. Durant ces 4 ans, « avec le soutien sans faille d’un conseil de fondation qui a su offrir les meilleures conditions », l’entreprise a en outre doublé ses effectifs et multiplié les clients. Ces performances, l’homme a l’extrême modestie de ne pas se les attribuer, lui qui aime tant mettre en avant l’importance du travail des équipes. Et pourtant, elles lui doivent évidemment beaucoup, tant ce fils d’ouvrier espagnol a fait toute sa vie durant, du travail, de la loyauté et de l’exemplarité, des valeurs cardinales.
Et pour cause : né dans une famille modeste, il prend très jeune conscience de l’âpre condition et du « sentiment d’inutilité » vécus par les déclassés qui, comme son père, alors aide-infirmier, se retrouvent à l’AI en raison d’une maladie. Alors, il travaille et étudie d’arrache-pied, décroche un diplôme d’ingénieur en génie civil et passe de longues années au service d’entreprises de gros œuvres.
En 2013, à 36 ans, mû par un pressant sentiment « d’incongruité entre les propos et la pratique de l’entreprise » où il travaillait, il lance sa propre société qu’il fait rapidement prospérer, avant, par conviction, de rejoindre PRO. Nous sommes en 2019 et l’homme qui en quelques années a su incarner cette entreprise si particulière avec tant d’engagement, a le sentiment que ce défi « aussi entrepreneurial qu’humain fait profondément écho à ce que (s)on père avait vécu ».
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