Nouvelle ère en Chine ?

5 septembre 2023

Nouvelle ère en Chine ?

Par Olivier de Berranger, CIO, La Financière de l’Echiquier © LFDE

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Olivier De Berranger © LFDE

Le typhon Saola, le plus puissant depuis des décennies à toucher le delta de la Rivière des Perles, qui loge des mégalopoles comme Hong Kong, Canton et Shenzhen, n’est pas le seul à affecter la Chine. Un second typhon, autrement plus puissant mais à marche lente, impacte depuis deux ans le pays. Il s’agit du dégonflement de sa bulle immobilière.

L’épisode chinois du Covid n’a en effet permis de masquer que temporairement la fragilité de sa dynamique immobilière. Alors que le secteur représente près de 30% du PIB, ou les deux tiers du patrimoine des ménages chinois, la crise qu’il subit ne fait que s’accentuer. Les premières alarmes ont été tirées en 2021, lorsque Evergrande, l’un des principaux promoteurs chinois, a commencé à faire défaut sur certains remboursements. On aurait pu croire la situation assainie début 2023, lorsque le rebond économique dû à la réouverture du pays, couplé à des discours des autorités plus accommodants sur l’immobilier locatif, a laissé croire à un rétablissement. Mais la chute des ventes et des prix des logements a repris plus vigoureusement. Selon les données provisoires publiées par China Real Estate Information Corporation, les ventes de logements neufs réalisées par les 100 plus grandes sociétés immobilières au mois d’août 2023 ont chuté de 33,9% par rapport à l’année précédente. L’investissement immobilier est en baisse de 8,5 % en glissement annuel, ce qui pourrait priver la croissance du PIB de près d’un point de pourcentage. D’ailleurs, le consensus Bloomberg ne prévoit plus qu’une croissance économique de 5,1% sur l’année, à peine en ligne avec l’objectif affiché par les autorités, qui se situait encore à 5,7% en mai. Evergrande vient de se déclarer en faillite aux Etats-Unis. Et, le premier promoteur chinois par la taille, Country Garden, menace de faire défaut sur certains remboursements. Son avenir est précaire, même s’il ne devrait pas être abandonné des autorités.

Certes, de nouvelles mesures de soutien ont été annoncées. Tout récemment, les banques se sont ainsi vues enjointes de faire baisser les taux d’emprunt immobilier. Les contraintes de réserves obligatoires en devises étrangères ont été desserrées et les acomptes pour démarrer un investissement immobilier réduits.

Cela devrait permettre au marché de ne pas s’écrouler totalement, mais les autorités réagissent tard et avec parcimonie. Pourquoi tant de modération ? Est-ce en raison d’un manque de moyens, ou au contraire, le signe d’une sagesse politique, visant à éviter la stimulation excessive, reliquat d’une politique passée qui a finalement conduit à la bulle en train d’éclater ?

L’explication tient probablement des deux. Certes, les moyens de relance chinois sont aujourd’hui limités en raison de la dette phénoménale accumulée depuis la crise mondiale de 2008, qui fut combattue à coup d’endettement massif en Chine comme ailleurs. L’endettement total du pays – pas uniquement celui du gouvernement central – est ainsi passé de 160% du PIB en 2008 à 360% en 2022  . Il ne peut être question d’augmenter encore fortement cette charge déjà lourde, surtout en période d’inflation nulle, voire négative. Mais on peut aussi émettre l’hypothèse – une certitude est impossible en la matière – que le choix de Xi Jinping de ne pas creuser outre mesure l’endettement correspond à une ambition de long terme. Celle de stabiliser les finances publiques, locales notamment, quitte à affronter une grave crise immobilière, tout en s’arrêtant avant un point de rupture systémique. Les banques chinoises, bien capitalisées semble-t-il, devraient pouvoir faire face à une telle crise, selon une analyse de la Société Générale notamment. Un choix risqué pour l’autorité suprême, mais peut-être salvateur à terme. Surtout pour quelqu’un qui vise vraisemblablement une réélection fin 2027…

Les conséquences sur l’économie mondiale ne peuvent être ignorées. Une Chine qui se dépeuple, dont la croissance passerait structurellement sous les 5%, peut-être 4, voire 3% dans les prochaines années, constitue un manque à gagner pour la croissance mondiale. Notamment pour les industries occidentales comptant sur les consommateurs chinois, et pour les achats d’obligations étrangères par la Chine, qui ont nettement aidé l’Occident à s’endetter.

Ce typhon financier à bas bruit n’a pas fini de dérouler ses conséquences. Mais elles ne sont pas toutes négatives. Une Chine moins rutilante peut être perçue comme une compétitrice moins dangereuse face à la domination américaine, ce qui pourrait atténuer leur confrontation. Cela peut aussi contribuer à concentrer l’attention mondiale sur des enjeux plus ciblés, tels que la transition vers une économie moins carbonée, pour laquelle la Chine fournit des efforts que bien d’autres pays ne font pas.Le typhon immobilier chinois ne laissera donc pas que des ruines, mais aussi de nouvelles aires de jeux, pour une nouvelle ère de croissance.


Rédaction achevée le 04.9.2023 

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