Gérer de front carrière sportive et reconversion professionnelle. Un élément déterminant, mais difficilement compatible avec la performance et le calendrier chargé des athlètes de haut niveau. Michel Platini, Jean-Claude Killy, Erika Hess. Les exemples de réussite en matière de reconversion professionnelle des sportifs d’élite ne manquent pas. Pourtant, la transition n’est pas aisée.
Quitter son sport, sa passion après avoir été au sommet de la gloire et se retrouver à 30 ans ou plus au début de son parcours professionnel peut s’avérer déstabilisant. Triathlète médaillée de bronze aux Jeux Olympiques de Sydney en 2000, Magali Di Marco Messmer assure que l’après carrière est une phase de transition pas toujours évidente à gérer. « Après Sydney, je m’attendais à ce que les propositions d’emploi pleuvent. En réalité, je n’ai rien reçu de concret et je ne savais pas ce que je voulais ». Préparer sa reconversion durant la carrière semble donc indispensable pour que la passage se déroule sans heurts.
Psychologue et ancien footballeur au niveau national, Lucio Bizzini ne néglige pas l’importance d’une préparation à la retraite sportive, mais il dédramatise cette période de transition. « A la fin de sa carrière sportive, il n’est pas rare qu’un athlète se retrouve pendant quelques mois dans une phase d’incertitude. Il doit alors apprendre qu’on ne peut pas tout prévoir ni contrôler et puiser dans ses compétences pour trouver sa voie».
A 200% dans le sport
Pas facile de gérer une carrière sportive tout en se préparant à l’après. Entre les compétitions et les entraînements, le calendrier des athlètes est chargé. « Ce n’est pas qu’on n’y pense pas. On n’a tout simplement pas l’occasion de le faire », explique Magali Di Marco Messmer. Au-delà du manque de temps, l’implication totale du sportif dans ce qu’il fait est indispensable à la réussite et ne permet pas de penser à autre chose. C’est ce que note Lucio Bizzini. « Un athlète ne peut obtenir de bons résultats que s’il est concentré à 200% sur sa réussite ». Paradoxalement, il est alors difficile de s’accorder le temps de réfléchir à sa reconversion.
Chaque trajectoire de vie est différente. Pour Philippe Roux, ancien champion de ski de descente, la transition s’est faite sans complication. Prévoyant, le skieur a ouvert son propre magasin de sport à Verbier en 1974 à l’âge de 21 ans. Grâce au soutien et à l’aide de son entourage, le skieur a mené de front sa carrière sportive et la gestion de son commerce durant 7 ans. «J’avais envie d’assurer mes vieux jours », indique Philippe Roux. « La vie de champion est agréable, mais elle ne dure qu’un temps. Après il reste plusieurs dizaines d’années à mener », poursuit-il.
Jamais loin du sport
Si le skieur de Verbier, Philippe Roux reconnaît avoir passé sans souci le cap de la reconversion, il ne s’est jamais écarté du sport. A la fin de sa carrière de skieur il s’est mis au rallye automobile. Après une vie sportive faite de succès, il est difficile de retomber dans l’anonymat et le quotidien du métro-boulot-dodo. « Le sport d’élite permet de vivre des expériences uniques et de se dépasser. Le vécu émotionnel et physique d’une pratique sportive de haut niveau rend difficile la décision d’arrêter », note Lucio Bizzini.
Un élément que confirme Magali Di Marco Messmer. « Dans le sport j’ai vécu des émotions tellement fortes qu’on ne retrouve jamais dans la vie professionnelle. Plus rien ne vous intéresse et vous devenez exigeant », analyse la championne de Troistorrents pour qui la retraite sportive s’est déroulée en plusieurs étapes. Après une première interruption en 2000, la triathlète est revenue à la compétition 3 ans plus tard et s’est finalement retirée en 2010. Celle-ci ne s’éloigne pourtant pas du sport puisqu’elle s’essaie désormais aux marathons en parallèle à un emploi à mi-temps et à son métier de maman. « Mettre un terme à sa carrière est un deuil à faire. Avec les marathons, je peux progresser à nouveau et me faire plaisir ».
Ne pas négliger la formation
Pour faciliter la reconversion professionnelle, Lucio Bizzini souligne l’importance du soutien de l’entourage. «Cultiver de la curiosité dans d’autres domaines que le sport est un moyen de préparer sa retraite sportive », conseille le psychologue.
La formation demeure aussi une excellente manière d’anticiper ce moment charnière. Cela est d’autant plus important pour les jeunes sportifs dont la carrière prometteuse n’est pas encore avérée ou verra sa trajectoire contrariée par les choix de chacune ou chacun ou les vicissitudes de la vie. Une filière sport-études se trouve alors être un atout non négligeable.
Valentine Charrière/Rédactrice En partenariat avec l’ESM – Ecole de management et de communication