Perspectives 2025 – Les taux d’intérêt et les tarifs mettront à l’épreuve les limites des marchés des capitaux

6 février 2025

Perspectives 2025 – Les taux d’intérêt et les tarifs mettront à l’épreuve les limites des marchés des capitaux

10 thèses sur les stratégies des marchés de capitaux pour 2025 de Tilmann Galler et Vincent Juvyns 

Nouveaux plus hauts sur les marchés boursiers, croissance étonnamment bonne aux États-Unis – l’année 2024 a réservé quelques surprises positives aux investisseurs. Que pourrait apporter 2025 ? Selon Tilmann Galler, stratégiste des marchés de capitaux chez J.P. Morgan Asset Management se demande, notamment à la lumière des résultats des élections aux États-Unis, où pourraient évoluer les marchés l’année prochaine. « L’année 2025 sera probablement marquée par le test des limites. Surtout, l’évolution des taux d’intérêt et des droits de douane montrera jusqu’où on peut aller sans aller trop loin», estime Tilmann Galler. Les droits de douane américains élevés sur les marchandises en provenance de Chine, par exemple, pourraient également avoir de graves conséquences sur de nombreuses entreprises américaines qui produisent partiellement ou totalement en Chine. Et une baisse trop rapide des taux directeurs pourrait également ramener l’inflation. Fondamentalement, l’économiste Galler considère que les perspectives pour les actions américaines restent bonnes, que les bénéfices des entreprises devraient s’élargir et qu’une volatilité croissante est à prévoir sur les marchés obligataires.

Thèse 1 : Prolongation de la domination américaine  

Avec les résultats des élections, le futur gouvernement américain a désormais la possibilité de mettre en œuvre ses projets économiques. D’une part, cela repose sur l’expansion budgétaire, et la réglementation devrait également être réduite. « Nous avons affaire à une politique qui favorisera la croissance aux États-Unis. La domination américaine risque donc de se prolonger », estime Vincent Juvyns. 

Les réductions d’impôts prévues pourraient, d’une part, donner une impulsion positive aux entreprises, mais d’autre part, elles devraient également profiter aux ménages privés. Les tendances sont également orientées à la hausse, comme les indices des directeurs d’achat. Il existe des signaux positifs dans les services et dans l’industrie manufacturière, qui devraient soutenir l’économie américaine au cours des prochains trimestres. Le marché du travail est également dans un état stable et constitue donc un pilier de soutien à la consommation. Il existe toujours une demande excédentaire de travail, c’est pourquoi la croissance des salaires, actuellement de 4%, contribue à renforcer le pouvoir d’achat. Grâce à la récente forte hausse des actions,  l’effet de richesse contribue également à l’humeur positive des consommateurs.

Par ailleurs, la charge des intérêts n’a toutefois pas une incidence aussi forte sur le patrimoine des ménages privés qu’on pourrait le craindre. « En période de crise financière, le ratio dette/production économique globale était de 100%. Actuellement, ce chiffre n’est que d’environ 72%», analyse Galler.

Thèse 2 : L’inflation ne disparaîtra pas

La  forte croissance américaine a toutefois également un prix. «C’est précisément parce que l’économie fonctionne à plein régime que les risques d’inflation augmentent progressivement», explique Juvyns. Les sommets d’inflation de 2022 ont chuté très rapidement car l’inflation énergétique, par exemple, a presque complètement disparu. Mais on peut constater sur le marché immobilier, la dynamique locative augmente à nouveau lentement. Du point de vue de Vincent Juvyns, l’inflation dans le secteur des services devrait également s’avérer plus persistante en raison d’une demande robuste. Lorsqu’il s’agit de voitures d’occasion, on constate également que les prix augmentent à nouveau. 

« Nous n’entrons pas dans une nouvelle phase de reflation, mais la Fed aura probablement du mal à atteindre son objectif d’inflation », a déclaré Juvyns.

Thèse 3 : La Fed restera sur la touche au cours de l’année

En ce qui concerne les activités de la Réserve fédérale américaine, Galler s’attend à ce qu’elle continue à baisser les taux d’intérêt, mais elle pourrait s’orienter vers une action plus forte au cours de l’année prochaine, en raison  d’une croissance robuste et des dangers de l’inflation. «En 2025, les baisses de taux seront de plus en plus difficiles à justifier», explique Galler.

Thèse 4 : Les tarifs douaniers américains atteignent leur plus haut niveau depuis 60 ans

Tilmann Galler s’attend à ce que l’administration américaine applique rapidement les droits de douane. « Nous sommes déjà confrontés à un nationalisme croissant dans la politique commerciale américaine. Les droits de douane pourraient atteindre l’année prochaine leur plus haut niveau depuis plus de 60 ans », déclare Galler.  

Il pourrait toutefois y avoir des exemptions et des droits de douane réduits, voire totalement suspendus, pour certains produits pour lesquels il n’existe aucun substitut aux États-Unis. La Chine sera donc au centre de la politique douanière américaine. La question est de savoir dans quelle mesure la Chine pourrait réagir aux droits de douane. En effet, les droits de douane américains introduits en 2018 n’ont pas entraîné un effondrement des exportations chinoises, mais plutôt une réorientation des flux commerciaux. Le « Friendshoring » devrait donc augmenter en 2025, ce qui signifie que la Chine pourrait mettre en place des structures commerciales avec d’autres pays pour réduire l’effet des tarifs douaniers punitifs. Galler considère désormais que le gouvernement de Pékin a la possibilité de faire davantage pour soutenir l’économie.

Thèse 5 : Les monnaies des partenaires commerciaux des États-Unis sous pression – l’euro tombe en dessous du pair 

Selon Vincent Juvyns, la politique commerciale américaine aura probablement des conséquences sur les monnaies de ses partenaires commerciaux. Cela pourrait entraîner une nouvelle faiblesse, notamment pour le renminbi chinois ou l’euro. « L’euro va tester son pair au cours des prochains trimestres et pourrait tomber en dessous si nécessaire », note Juvyns.  

Étant donné que la Fed ne baissera probablement ses taux d’intérêt que progressivement, mais que la BCE dispose d’une plus grande marge de réduction, le différentiel de taux d’intérêt reste relativement élevé et le dollar américain reste soutenu.

Thèse 6 : La surperformance de l’Inde sur les marchés émergents touche à sa fin 

En ce qui concerne les marchés émergents, le problème de l’inflation s’est récemment atténué, ce qui a également donné aux banques centrales de ces pays une marge de manœuvre pour réduire les taux d’intérêt. L’Inde a largement surperformé les autres pays émergents ces dernières années en termes de croissance économique et de développement du marché boursier, et a également remplacé la Chine comme moteur de croissance. Ce dernier pourrait toutefois faire une pause en 2025. « L’Inde devra faire face à une faible dynamique de croissance au cours de l’année à venir.  Tandis que la hausse de l’inflation signifie dans le même temps que l’on peut s’attendre à un moindre soutien monétaire de la part de la banque centrale. Les valorisations boursières sont déjà très élevées, de sorte que les actions indiennes pourraient prendre du retard sur les autres marchés émergents », estime Juvyns

Thèse 7 : L’Europe évite la récession

Du point de vue de Tilmann Galler, il existe déjà des problèmes structurels en Europe, auxquels s’ajoute désormais la politique commerciale américaine. Le niveau élevé de réglementation et les coûts élevés de l’énergie feraient reculer l’industrie européenne par rapport aux États-Unis. L’ambiance dans le secteur des services est déjà moyenne, et dans le secteur manufacturier, elle est très faible. Dans le secteur automobile en particulier, la Chine devrait concurrencer beaucoup plus fortement les constructeurs européens ; les constructeurs chinois bénéficient d’un avantage de prix significatif par rapport aux entreprises nationales, notamment en ce qui concerne les voitures électriques. 

Galler estime toutefois que l’Europe peut éviter une récession. Malgré les nombreux problèmes, il existe également certains éléments de croissance. La croissance des salaires réels reste positive et le taux d’épargne en Europe reste très élevé. La hausse du pouvoir d’achat et l’excès d’épargne devraient soutenir les ventes au détail. « La consommation devrait rester stable d’ici 2025 et apporter une contribution positive modérée à la croissance en Europe », estime Galler. Même dans le secteur manufacturier, l’augmentation des stocks pourrait conduire à une reprise modérée.

Thèse 8 : Les bénéfices des entreprises augmenteront en 2025

Du côté des entreprises, Juvyns estime que leurs bénéfices pourraient encore augmenter en 2025.  « Nous prévoyons une croissance des bénéfices relativement stable, y compris un élargissement des bénéfices. Les bénéfices américains ressortent à nouveau, mais la politique fiscale pourrait jouer un certain rôle dans les secteurs qui en bénéficieraient un peu plus différemment», estime Juvyns.  

Le marché haussier n’est pas encore ancien par rapport aux normes historiques et pourrait donc durer plus longtemps. Dans l’ensemble, l’économiste Juvyns ne voit aucune raison explicite de choisir une position courte. « Nous continuons de voir du potentiel pour les actions, même si les valorisations sont relativement élevées. Les ratios P/E des méga capitalisations américaines ont notamment augmenté», explique Juvyns. L’expert des marchés de capitaux constate d’énormes différences de valorisation entre les régions, en particulier l’Europe et la Chine, qui sont cotées à des rabais élevés.

Thèse 9 : Sous-performance des méga-capitalisations

Tilmann Galler constate cependant un certain changement de garde sur les marchés boursiers. Selon lui, les méga-capitalisations pourraient perdre leur leadership sur le marché par rapport aux grandes et petites ou moyennes capitalisations. « Les valeurs technologiques doivent être à la hauteur d’attentes déjà très élevées. Les méga-capitalisations se négocient déjà avec une prime significative par rapport aux autres actions », explique Galler. Les éventuelles réductions d’impôts à venir aux États-Unis pourraient principalement soutenir les entreprises qui fabriquent et vendent des produits aux États-Unis. Cela pourrait particulièrement profiter aux petites entreprises qui sont principalement actives sur le marché intérieur américain.

Thèse 10 : La volatilité des obligations augmente

Du point de vue de Tilmann Galler, l’augmentation des emprunts aux États-Unis risque d’entraîner une plus grande volatilité des obligations. « Les marchés obligataires sont très vigilants et porteront un regard critique sur les projets du gouvernement américain. Même si les rendements obligataires n‘ont jusqu’ici que légèrement augmenté, les fluctuations devraient s’accentuer l’année prochaine», explique Galler. Dans l’ensemble, les rendements et les coupons sont désormais à nouveau suffisamment élevés pour que vous puissiez bénéficier d’un tampon plus solide en cas d’éventuels chocs économiques. 

Galler considère les obligations du secteur de qualité supérieure comme un stabilisateur. Même si les obligations américaines sont susceptibles de fluctuer davantage, il considère que les obligations européennes sont nettement mieux soutenues, dans la mesure où la BCE peut baisser les taux d’intérêt bien plus que la Fed. Cependant, en Europe, il faut également faire la différence entre les différents pays. La situation en France devrait rester difficile, mais les obligations fédérales pourraient constituer un point d’ancrage sûr.

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