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Nick Eisinger, gestionnaire de portefeuille et co-responsable de l’équipe Marchés émergents et dette souveraine
En ce début d’année, la progression de la vaccination favorise une reprise économique vigoureuse et, partout dans le monde, les banques centrales maintiennent une politique monétaire extrêmement accommodante. Cette configuration profite aux actifs des marchés émergents, qui sont relativement bien placés pour bénéficier de l’activité mondiale soutenue par les politiques de relance. Nous sommes toutefois attentifs à l’influence du rendement accru des Bons du Trésor américain (et en particulier, d’une augmentation rapide) sur les valeurs à revenus fixes des marchés émergents, notamment dans leurs segments de la qualité la plus élevée. En effet, l’écart de crédit y est insuffisant pour absorber l’intégralité du poids du rendement découlant d’une vente massive de Bons du Trésor américain. À l’heure actuelle, les titres plus rémunérateurs des marchés émergents sont mieux armés pour faire face à ces enjeux, bien qu’il reste important, même dans cette catégorie, d’établir une distinction entre les titres souverains à rendement élevé dont l’historique de crédit est positif et ceux dont les bilans vacillent et les perspectives s’assombrissent.
Un autre facteur positif pour les marchés émergents est le nouveau Président américain. Globalement, l’administration Biden est de bon augure pour ces marchés en ce qu’elle implique davantage de coopération internationale et moins d’isolationnisme. Un changement radical dans les relations avec la Chine est néanmoins peu probable, ce qui comporte un risque persistant, et l’attitude à l’égard de la Russie pourrait également se durcir. Sur un plan plus général, le gouvernement Biden devrait renforcer la politique budgétaire, ce qui pourrait alimenter le redressement et affaiblir plus sensiblement les Bons du Trésor américain.
La plupart des marchés, y compris celui du crédit, ont souffert de la pandémie de Covid-19. Ses répercussions ont été multiples, d’une contraction des liquidités à une dégradation de nombreux secteurs relativement faibles sur le marché du crédit. Grâce aux politiques des banques centrales et aux mesures budgétaires, toutefois, les marchés se sont pour l’essentiel remis d’aplomb et beaucoup de secteurs se négocient à nouveau aux mêmes écarts qu’avant la crise. À mesure que l’économie mondiale se redresse, les fondamentaux devraient en outre s’améliorer au niveau du crédit, même si d’après nous, ces bonnes nouvelles sont déjà intégrées dans une large mesure dans les valorisations sur les marchés du crédit, notamment les marchés investment grade de qualité supérieure. Les marchés émergents présentent une certaine marge de progression, car toutes les données actuelles n’ont pas encore été prises en compte, de sorte que des opportunités se dessinent sur quelques marchés d’emprunts d’État à haut rendement en devises et dans une sélection de monnaies locales (ou de taux obligataires) des pays émergents.
Parmi les risques potentiels sur les marchés émergents, nous distinguons une mise en vente rapide et massive de Bons du Trésor américain et un revirement du dollar des États-Unis après sa récente faiblesse. Ces facteurs de danger peuvent être maîtrisés s’ils s’installent lentement, mais avec un risque de durée omniprésent, les marchés émergents sont sensibles aux variations des taux sans risque. Une partie des marchés émergents ont par ailleurs connu une nette détérioration de leurs bilans, avec un alourdissement de leurs dettes et déficits et d’importants besoins de financement. Certains de ces segments sont suspendus à la nécessité que les politiques monétaires ultra-accommodantes soient maintenues et, à défaut, pourraient être chamboulés.
Les obligations investment grade sont plus sensibles aux taux sans risque, mais offriraient naturellement une protection dans l’hypothèse de secousses défavorables, comme un regain des tensions politiques, un retard grave dans la vaccination ou une inefficacité du vaccin. Les Bons du Trésor américain s’étant récemment affaiblis, il pourrait exister de meilleures portes d’entrée dans certains segments de la classe IG des marchés émergents. À l’inverse, les titres à haut rendement disposent d’un écart suffisant pour amortir les fluctuations des taux sans risque, mais certains de leurs secteurs déplorent des fondamentaux médiocres ou qui se dégradent et pâtiraient de chocs macro-économiques supplémentaires.
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Enfin, nous percevons toujours un intérêt dans les obligations d’entreprises, qui constituant une classe d’actifs de plus courte durée (par rapport aux titres souverains), pourraient être mieux protégées contre une baisse des taux sans risque, sachant en outre qu’avec la redynamisation de l’économie, les défaillances devraient rester relativement rares, et en tout cas moins fréquentes qu’en 2020.