Peut-on parler de compétition versus innovation ?

26 février 2014

Peut-on parler de compétition versus innovation ?

Aux États-Unis, « être bon » ne suffit pas, il ne peut qu’être question d’« être le meilleur ». C’est à mon sens aujourd’hui ce qui permet aux Américains d’être dans bien des domaines à la pointe, toujours ou presque, en primeur. Être le meilleur implique une compétition qui règne ici en maître. Un simple goûter de fin d’année entre collègues ne saurait se passer sans que le gâteau maison, apporté par chacun des pâtissiers en herbe, ne se transforme en concours officiel ! Ainsi, tout devient compétition et vous devez être le meilleur !

Alors, qu’est-ce qu’être le meilleur ? En Suisse, nous aurions une grande tendance à nous vanter de la qualité d’un produit ou d’une prestation de service. Mais, est-ce qu’être le plus aimé, le plus rapide, le premier, correspondrait à notre critère qualitatif d’être meilleur où le meilleur ? J’ai pris quelques semaines pour comprendre qu’ici, être le meilleur n’équivaut en aucun cas à un critère de qualité. Il s’agit d’une notion bien plus complexe qui inclut la performance et la rentabilité reléguant au second plan la notion de qualité tant matérielle qu’humaine.

Lorsque les internautes s’inscrivent à votre newsletter, expliquez-leur le contenu de votre newsletter culture de la compétition effrénée préserve sans aucun doute le dynamisme tant économique qu’organisationnel et engage chaque acteur à la motivation tout en impliquant un travail d’équipe aux fins d’atteindre le sommet de la pyramide et d’être sacré « The number 1 ». Dans ce contexte, la réussite se révèle valorisée, choyée et attendue par tous. Le gagnant se trouve récompensé par de nombreux prix et distinctions, mais il demeure avant tout reconnu pour son exploit. L’appartenance peut dès lors s’imposer comme une mesure indispensable distinguant les meilleurs et des « autres ».

Je constate néanmoins que cet esprit compétitif permanent enlève la spontanéité naturelle pour faire place à une réponse automatique et calculée. Dans un groupe de travail, les coopérations sont limitées, souvent faussées et uniquement intéressées ce qui peut engendrer une existence difficile aux vraies interactions et amener à des relations humaines compliquées.

Du point de vue de l’innovation, je pense que la compétition doit à un moment laisser place à la créativité. En d’autres mots, vouloir être le meilleur semble étouffer l’élan innovateur, car, pour être le meilleur, il faut d’abord se conformer au numéro 1, l’imiter, le confronter, avant de peut-être le dépasser. Cela ne s’avère être à mon sens qu’une amélioration et non une innovation. Si d’infortune une personne a l’indélicatesse de faire différemment que le meilleur, cela leur indique clairement qu’elle ne semble pas efficiente, qu’elle n’a aucune chance d’être un jour la meilleure, et ils s’empresseront de la classer comme telle. Je pense que c’est à ce moment précis que le dogme américain perd l’avantage de la créativité de certains qui seront, par habitude, malheureusement bannis pour avoir choisi un chemin différent.

L’idée de s’inspirer des comportements du meilleur s’avère très présente. J’ai remarqué que les personnes effectuent souvent les choses par convention et non par choix. Elles suivent des schèmes bien établis et les reproduisent. Ainsi, si le précepte impose de devenir d’abord « le meilleur » avant de s’accorder le privilège de pouvoir innover, cela ne restreint-il pas drastiquement la créativité et l’innovation d’un nombre considérable de personnes ? Je conçois aisément que l’existant rassure, mais n’oublions pas que la nouveauté, la créativité, l’innovation contribuent à la transformation méliorative, à un changement attendu, voire nécessaire, ou tout au moins à des tentatives auxquelles il semble pertinent d’être attentif. Dans ce pays riche d’une grande diversité, n’est-il point paradoxal qu’elle ne se reflète pas davantage comme autant d’ambitions créatives ?

Dr Anne Mai Walder - Expert pour Le Monde EconomiqueDr Anne Mai Walder / Expert pour Le Monde Economique / www.WalderPublications.ch

 

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