Dans son œuvre intitulée 20’000 lieues sous les mers, Jules Verne avait imaginé un jour produire de l’énergie grâce aux océans. En effet, le potentiel énergétique issu des différences de températures de l’eau selon les profondeurs, a longtemps suscité intérêt & fascination. Nombre de chercheurs ont planché sur ce titanesque projet, mais les coûts exorbitants ont vite gelé les ardeurs des plus ambitieux… Aujourd’hui, ce n’est plus un doux rêve mais un projet bien réel, baptisé Nemo, qui vient de bénéficier de larges fonds européens.

Une centrale flottante au large de la Martinique

C’est à 5 kms des côtes martiniquaises que sera construite la première centrale de production d’énergie thermique marine ! A l’aide d’un immense tuyau, cette plateforme flottante pompera à grande profondeur de l’eau à une température de 5°C. Pendant ce temps, un autre tuyau aspirera l’eau de surface à une température de 25°C : au contact des deux, le phénomène thermodynamique produira de la vapeur ; celle-ci sera ensuite transformée en électricité. On estime que pareille production permettrait d’alimenter quelques 35’000 foyers… Ramenée à la hausse récurrente des produits pétroliers, cette nouvelle source d’énergie renouvelable (et inépuisable !) pourrait s’avérer localement rentable.

Cette centrale flottante a été choisie par la Commission Européenne comme projet d’avenir. Le constructeur naval qui l’a mise au point (DCNS) sera rémunéré à hauteur de 90 millions de francs : cette somme servira à la construction du prototype pour une mise en service prévue en 2018. La France bénéficie d’un vaste domaine maritime, principalement situé dans les régions chaudes du Globe : une aubaine pour les populations des départements & territoires d’Outre-Mer dans leur approvisionnement en électricité « bleue-verte »…

Dans le port de Marseille, il y a…

Une centrale géothermique, dont la construction vient de débuter, qui permettra de réchauffer ou de rafraîchir la température de logements collectifs, en utilisant l’eau pompée dans la Méditerranée. Elle alimentera un quartier dense d’habitations à loyers modérés, et sera construite sur les quais du port. Une immense canalisation sous-marine ira pomper de l’eau de mer au large, à une profondeur comprise entre 5 & 8 mètres, là oú l’eau conserve une température quasi constante toute l’année (~20°C). L’hiver, les calories issues du fluide marin serviront à réchauffer les logements ; l’été, à les rafraîchir !

Selon la saison, du chaud ou du frais sera convoyé dans les habitations par le biais d’un circuit secondaire d’eau douce. Près de 3’000 mètres de tuyauteries serviront à faire circuler ce fluide caloporteur dans les 2’500 logements ainsi équipés. Il faudra néanmoins une source d’énergie d’appoint pour faciliter le fonctionnement du système (électricité ou gaz), afin de « booster » la température en hiver, ou la baisser en été. Cette centrale géothermique devrait produire ses premières calories pour l’hiver 2015 ; pour autant, son coût initial reste élevé (43 millions de francs) : il sera financé par la ville de Marseille, la région PACA & le département des Bouches-du-Rhône. En contre partie, la facture énergétique des utilisateurs (qui bénéficient d’un climat tempéré toute l’année), sera sensiblement réduite.

Après le Muséum des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM – juin 2013), Marseille s’apprête à inaugurer, au printemps 2015, une nouvelle construction sur les quais de son célèbre port. De quoi susciter curiosité & intérêt, à l’heure oú d’aucuns se massent religieusement dans l’antre du Stade Vélodrome. Une autre manière d’aller « Droit au but » dans un esprit emprunt de Développement Durable…

Rentabilité + reproductibilité = durabilité ?

Si le projet s’avérait rentable, d’autres centrales pourraient éclore le long des côtes françaises ; la condition sine qua none pour une efficience énergétique maximale se situant dans une localisation proche d’un quartier d’habitat dense. Les SIG l’ont bien compris : le projet Genève-Lac-Nations (16 MW de froid) est destiné au rafraîchissement des bâtiments existants dans le quartier des organisations internationales. Il permettra aussi de chauffer de nouveaux bâtiments construits sur la base des standards énergétiques élevés (Minergie ou Minergie-P). Citons également le projet Espace-Versoix, qui fournira des calories & frigories à un complexe administratif, commercial & d’habitation. De quoi envisager sereinement le confort urbain des « quartiers durables » du Léman pour les saisons futures…

Christophe Royer, Expert pour le magazine Le Monde Economique et Directeur Exécutif au sein du Bureau d’Ingénieurs-Conseils Swiss Energy Efficiency Sàrl.