Pourquoi le chaos attendu au Royaume-uni après le Brexit n’aura pas lieu.

18 juillet 2016

Pourquoi le chaos attendu au Royaume-uni après le Brexit n’aura pas lieu.

Après l’élection des britanniques pour le Brexit, plusieurs responsables et parlementaires de l’union européenne ont manifesté leur volonté de « punir » le Royaume-Uni pour l’exemple, mettre son économie à genou afin de faire comprendre aux eurosceptiques que le meilleur choix pour eux est de rester dans l’union européenne.

Après ce moment de tempête et de colère, il semblerait que le calme regagne les écuries et la « real politique », voire la « real économie » commence à reprendre du terrain. Ainsi, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker espère maintenant « des relations aussi étroites que possible avec le Royaume-Uni » en dépit du choix du Brexit. Ce sont les propos tenus lors de la conférence de presse en marge du sommet UE-Chine le 13 juin. On peut dire que c’est une évolution de position lorsque l’on compare les propos de M. Juncker juste après la promulgation des résultats et ses propos du 13 juin ci-dessus.

Voici pourquoi je pense que le chaos attendu au Royaume-Uni après le Brexit n’aura pas lieu. Je tiens à préciser que je ne suis pas un pro-Brexit.

D’abord, le Royaume-Uni est un acteur important dans l’économie mondiale (5ème puissance), et pour plusieurs pays de l’union européenne, c’est un client ou un fournisseur indispensable. Ainsi, la chancelière allemande Angela Merkel au lendemain de la publication des résultats pour le Brexit appelait déjà ses confrères de l’union à prendre le temps de la réflexion, de ne pas prendre de décisions hâtives, ni prendre une revenge contre les britanniques. Avec son sens élevé de la diplomatie et son pragmatisme légendaire, elle a compris avant tous ses autres collègues dirigeants de l’union qu’il est préférable d’avoir un bon accord de partenariat avec le Royaume-Uni. Contrairement aux dirigeants des pays comme la France ou l’Italie qui souhaitaient que l’union adopte une ligne plus dure contre le Royaume-Uni.

Il est à relever que les entreprises allemandes exportent au Royaume-Uni presque trois fois plus que les entreprises françaises et que la balance commerciale entre l’Allemagne et le Royaume-Uni est en faveur de l’Allemagne pour plus de 50 milliards d’euros. C’est-à-dire que l’Allemagne exporte vers le Royaume-Uni, 50 milliards d’euros de plus que ses importations du Royaume. Le Royaume-Uni est par ailleurs le troisième partenaire économique de l’Allemagne après les USA et la France.

Pour l’année 2015, la balance commerciale du Royaume-Uni était de -149.5 milliards d’euros (soit: Exportations: 414.7 milliards d’euros et Importations: 564.2 milliards d’euros).

Balance commerciale du Royaume-uni en 2015

Principaux fournisseurs du Royaume-uni

Allemagne

14.80%

Chine

9.80%

USA

9.20%

Pays-Bas

7.50%

France

5.80%

Belgique

5.00%

Principaux clients du Royaume-uni

USA

14.50%

Allemagne

10.10%

Suisse

7.00%

Chine

6.00%

France

7.90%

Pays-Bas

5.70%

Puisque le Royaume-Uni a toujours considéré que l’union européenne devait plus être un espèce de libre-échange plutôt qu’une union politique et monétaire, le nouveau gouvernement dit « gouvernement post-Brexit » s’attèlera en priorité à la sauvegarde des atouts de la place financière de Londres et à la conclusion de partenariats économiques avec certains pays de l’union européenne si ce n’est pas possible d’avoir rapidement une accord favorable avec les 27 pays restés dans l’union. Objectif: disposer d’un espace de libre-échange suffisant au développement des activités des entreprises britanniques.

Pour cela, le gouvernement post-Brexit pourra rapidement conclure un accord de partenariat avec les USA sur le modèle de l’accord transatlantique actuellement en discussion avec l’union européenne. Cet accord de partenariat économique entre le Royaume-Uni et les USA pourra même entrer en vigueur plus rapidement que l’accord transatlantique avec union européenne car le Royaume-Uni et les USA sont quasiment d’accord sur tous les points de cet accord dont la France et l’Italie n’en veulent pas en l’état (exception française oblige).

Dans l’union européenne, l’Allemagne dont on connait le pragmatisme de sa chancelière Angela Merkel sera un partenaire de choix et de poids pour les britanniques lors des négociations avec les dirigeants de l’union européenne, car il ne sera pas question pour l’Allemagne de laisser tomber le Royaume-Uni sans un accord convenable permettant aux entreprises allemandes de maintenir au moins le niveau actuel de leurs exportations vers le Royaume-Uni. Même si la France, l’Italie et l’Espagne seront favorables à une « action punitive » contre le Royaume-Uni pour l’exemple, d’autres pays comme les Pays-Bas, la Pologne, la Belgique, l’Autriche, l’Irlande, et les pays nordiques comme le Danemark, la Suède seront plus ouverts à un accord avec le Royaume-Uni. Même si dans certains de ces pays, les parties d’extrême droite sont dans les starting-blocks et veulent eux aussi lancer un referendum pour sortir de l’union européenne.

En 1973 après l’admission du Royaume-Uni à l’union européenne, le Royaume-Uni avait quitté l’Association européenne de libre-échange (AELE). Cette association quasi-inconnue dans d’autres pays européens est une organisation intergouvernementale qui vise à promouvoir le libre-échange et l’intégration économique au profit de ses Etats membres que sont actuellement l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse. On peut parier qu’après le Brexit, les diplomates de ces quatre petits pays ne ménageront pas leurs efforts pour convaincre le Royaume-Uni de rejoindre cette organisation.

Donc au final, il est probable que l’on assiste aux scenarios suivants:

– soit les 27 autres pays de l’union européenne vont faire preuve de pragmatisme, tirés une fois de plus par la Chancelière allemande Angela Merkel (qui voudra à tout prix protéger les exportations des entreprises allemandes vers le Royaume-Uni) pour trouver un accord favorable avec le Royaume-Uni sans la libre circulation des personnes comme l’exige l’union européenne, mais avec un système de quotas négociables en fonction des besoins de l’économie du Royaume-Uni,
– soit le Royaume-Uni « post-Brexit » conclura des accords bilatéraux avec certains pays de l’union européenne et les USA afin de disposer d’une sorte « d’espace économique » permettant à ses entreprises de ce développer et prospérer.

Comme le disait le musicien français Patrick Bruel, donnons-nous rendez-vous dans dix ans, même heure, même port … pour faire le point sur la situation du Royaume-Uni « post-Brexit ».

Associé de Spectrum Fiduciaire Llc

 

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