Les travailleurs détachés, qui sont-ils ?
Il s’agit de quelques 300 000 personnes envoyées par leurs entreprises, le plus souvent de l’Europe Centrale et de l’Est, pour travailler en Occident. La « libre circulation » et l’engagement temporaire de ces travailleurs dans des pays tels que la France, l’Allemagne et autres, est garantie par la directive européenne du travail détaché adoptée en 1996.
Ayant fait de la révision de la directive du travail détaché l’une de ses promesses de campagne, le président français E. Macron s’est dépêché, trois mois après son élection, d’entreprendre une tournée à travers les « petits pays » pour convaincre ses homologues de l’Est à soutenir son projet de révision. Le travail détaché est présenté comme source de dumping social et fiscal, donc de concurrence inégale, les cotisations sociales, très basses, de cette main d’oeuvre étrangère étant payées non pas d’après les standards du pays d’accueil mais d’après ceux du pays d’origine du travailleur – la Pologne surtout, mais aussi la Tchéquie, la Slovaquie, la Bulgarie et la Roumanie.
Derrière le prétexte économique, quelques ambitions politiques.
Toutefois, on peut se demander si le seul but de la tournée du président Macron en Europe Centrale et Orientale fût uniquement de nature économique. On peut supposer d’autres motifs à ce déplacement présidentiel qui, plus il avançait vers l’Est, plus il revêtait l’allure d’une visite de charme, d’une opération de séduction politique. Celle-ci était menée principalement à l’intention de la Roumanie et de la Bulgarie, deux pays qui pourtant ne pourvoient qu’une partie insignifiante du nombre total de ces travailleurs détachés si problématiques pour le président français – deux pays qui, d’autre part, sont considérés comme les « retardataires » de l’UE. Alors, pourquoi ce subit intérêt pour les parfaits « cancres » de l’Europe ?
Eh bien, ceux qui connaissent ne serait-ce qu’un peu la Roumanie et la Bulgarie et l’ardente et viscérale francophilie qui anime depuis des générations leurs élites, peuvent déjà deviner la réponse. Se rendre en ce coin de l’Europe et surtout en Bulgarie, où la dernière visite de président français remonte à pas moins de dix ans, signifiait pour Macron de trouver à ses pieds un pays complètement flatté et fasciné, conquis et subjugué. De quoi non seulement redorer son blason aux yeux des Français mais aussi asseoir une nouvelle image de soi – celle d’un dirigeant européen de grande envergure, capable de réformer l’UE et d’unir l’Europe de l’Ouest et de l’Est autour des grands dossiers économiques et politiques du moment.
L’Europe de l’Est a donc aussi eu son ouragan. Un ouragan de charme appelé « Emmanuel ».
La Bulgarie et la Roumanie pays s’étaient préparés des semaines durant à l’arrivée du cyclone « Emmanuel » sur leurs côtes et leurs terres, et le jour venu l’ont accueilli comme il se devait. De son côté, conscient de l’attention exceptionnelle dont il faisait l’objet, Macron, ensemble avec son épouse Brigitte, a lui aussi sorti le grand jeu, multipliant les signes d’amitié, les embrassades avec ses collègues et les démonstrations d’élégance et de charme « typiquement français ».
La question des travailleurs détachés était bien sûr abordée et débattue mais on sentait bien que ce problème économique n’était pas le seul motif de la visite d’un Macron venu en ces terres amicales avant tout pour cueillir de l’admiration facile et gagner aisément du crédit européen (et du crédit politique tout court). Le dirigeant français a cherché à obtenir, dans ces « provinces » orientales, son sacre comme dirigeant européen. Président charmeur, il a en même temps voulu promouvoir de lui, depuis l’Est, l’image d’un président charismatique, sachant sans doute que charme et charisme ne vont pas automatiquement de pair, pas plus que jeunesse et allure « beau gosse » n’assurent pas immédiatement une garantie absolue d’emprise sur les esprits, ni d’ascendant incontestable sur les populations.
Ce voyage « anti- dumping » a mené le président d‘En marche ! jusqu’aux extrémités orientales de l’Europe – les côtes bulgares de la Mer Noire. Après ceux de la Tchéquie et de la Slovaquie, Emmanuel Macron a réussi à engranger les soutiens des pays de l’Est balkanique pour pouvoir promouvoir son projet de révision de la directive sur le travail détaché.
Le nouveau président de la France se révèle déjà comme un président « jusqu’au- boutiste ». Et nul doute que sa marche le mènera jusqu’au bout de ses ambitions, dont la plus grande est sans doute celle de s’imposer comme le nouveau, l’effectif, le vrai dirigeant de l’Europe.