Photo: (de gauche à droite) Nicolas Besson, Adel Chekir, Matthieu Dulguerov équipe d’investissement de REYL Intesa Sanpaolo © REYL
Par L’équipe d’investissement de REYL Intesa Sanpaolo
Les principales économies poursuivent leur tendance de ralentissement de la croissance, malgré des signes récents d’amélioration. Ce cycle n’a pas été habituel, aggravé par la crise de la pandémie du COVID et ses conséquences, ainsi que par les politiques monétaires et fiscales hyper-agressives qui en ont découlé. L’épargne excédentaire accumulée durant la pandémie a aidé les ménages à surmonter la crise, et la vigueur du marché de l’emploi, la décélération de l’inflation et l’augmentation des salaires semblent à présent soutenir à nouveau la consommation.
Nous pourrions donc assister à l’émergence d’un mini rebond cyclique au cours des prochains trimestres. Par ailleurs, le volume important de liquidités encore disponibles dans le système agit comme un tampon contre le cycle de hausse des taux d’intérêt, qui devrait être prolongé pour être réellement efficace. Des facteurs défavorables sont toujours à l’œuvre, mais ils tardent à se manifester : le resserrement des normes de prêt et l’augmentation des taux de défaut, ainsi que des politiques fiscales moins généreuses. Jusqu’à présent, nous ne voyons aucun signe d’une véritable récession, mais nous pensons toujours qu’une phase de contraction se produira et qu’elle est nécessaire pour rééquilibrer les fondamentaux de l’offre et de la demande ainsi que pour ouvrir la voie à un nouveau cycle économique, qui n’interviendra probablement pas avant 2024. Nous ne pensons pas que le pire soit derrière nous, mais nous avons gagné du temps. Le cycle sera probablement « tué » par une erreur politique, car les pressions inflationnistes nécessiteront un nouveau resserrement pour être vaincues.
La plupart des économistes n’envisagent toujours pas de récession mondiale, un atterrissage en douceur restant le scénario privilégié. Par ailleurs, la zone euro connaît déjà une récession technique, avec deux trimestres négatifs de croissance du PIB (T4 22 et T1 23), à -0,1 % chacun. L’inflation continue de diminuer, mais la rigidité des mesures de base et leurs niveaux absolus restent un défi. La vigueur (et les déséquilibres) du marché de l’emploi soutiennent la croissance des salaires, qui se situe à des niveaux bien supérieurs à la moyenne historique. L’inflation salariale reste solide (5,6 % aux États-Unis et 4,3 % en Europe). Elle soutient à son tour la consommation des ménages, dont les salaires augmentent également en termes réels. Tous ces éléments sont positifs pour la croissance et peuvent plaider en faveur d’un scénario d’atterrissage en douceur, mais nous doutons que cela puisse se produire sans raviver les pressions inflationnistes. Malgré certains signes d’essoufflement du marché de l’emploi, le taux de chômage doit encore augmenter de manière significative afin de freiner la demande et s’assurer qu’il n’y ait pas de risque de hausse des niveaux des salaires.
La confiance des consommateurs est à nouveau en hausse et la propension à consommer semble intacte. Cela devrait se refléter dans les données réelles des ventes au détail en temps voulu, ce qui pourrait stimuler la production manufacturière et industrielle, des secteurs qui ont été faibles par rapport à l’industrie des services. Les indicateurs avancés tels que le rapport ISM PMI manufacturier entre les nouvelles commandes et les stocks sont également encourageants. De plus, les stocks sont restés élevés l’année dernière, mais ont commencé à diminuer au point que l’indice ISM des stocks des entreprises est désormais considéré comme trop faible. Cela pourrait entraîner une certaine reconstitution des stocks, ce qui serait positif pour la production future. Si tel est le cas, le marché de l’emploi bénéficiera d’un soutien supplémentaire, car les entreprises sont peu enclines à licencier du personnel lorsque la production augmente.
L’immobilier est un autre secteur susceptible de soutenir la croissance. C’est l’un des secteurs les plus sensibles aux cycles des taux d’intérêt, généralement le premier à chuter, mais aussi un indicateur avancé de la reprise économique ; plusieurs indicateurs du marché du logement américain ont chuté et montrent désormais un rebond. Cette situation se vérifie même si les taux hypothécaires ont doublé depuis 2020. Des signes de croissance sont déjà visibles dans les indices de surprise économique ; là encore, la variable clé pour la pérennité du rebond est la vigueur du marché de l’emploi.
Malgré la poursuite de la réduction des liquidités des banques centrales, celle-ci a été moins sévère qu’en 2022. Les liquidités restent clairement abondantes, la taille des bilans combinés des trois principales banques centrales étant toujours supérieure de 60 % aux niveaux d’avant la crise du COVID. Sans un retrait plus agressif des liquidités, les actifs risqués devraient rester bien soutenus par l’abondance de l’argent disponible.
Ce scénario « Boucles d’or » est-il plausible ? Nous ne pensons pas qu’un tel environnement de plein emploi soit compatible avec une trajectoire descendante durable de l’inflation. Sans une hausse plus significative du chômage, l’inflation salariale pourrait ne pas diminuer et il existe même un risque de reprise de l’inflation mondiale, si les prix de l’énergie et des matières premières font leur retour après la baisse de cette année.
Quelle sera la prochaine étape ? Tout dépendra du moment où les conditions financières se resserreront suffisamment pour avoir un impact sur les entreprises et les consommateurs. Nous n’en sommes pas encore là. Les décisions des banques centrales joueront un rôle décisif à partir de maintenant. Deux choix s’offrent à elles : 1. arrêter leur cycle de hausses et s’engager dans une longue stratégie de stabilisation, en attendant que le resserrement monétaire ait un effet sur l’économie ou 2. continuer à augmenter les taux et à réduire l’excès de liquidités pour freiner davantage l’activité et la demande, jusqu’à ce que le marché leur « dise » d’arrêter, et concevoir alors une stratégie de pivot. Nous pensons qu’il est peut-être trop tôt pour cesser maintenant de lutter contre l’inflation de manière décisive, étant donné que les autorités monétaires disposent de tous les outils nécessaires pour stimuler à nouveau l’économie si nécessaire. La première option comporte le risque d’une surchauffe de l’économie plus tard en 2024.
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