Avec la meilleure volonté du monde, notre société occidentale hyper sophistiquée glisse progressivement vers l’obsession de la sécurité maximale, qui entraîne une véritable boulimie de légifération de la part des autorités locales, nationales et supranationales. Il en résulte non seulement une bureaucratie tentaculaire pour toute la société, mais un état d’esprit totalement contraire à l’esprit entrepreneurial. C’est peu dire que l’économie en ressent de plus en plus les effets néfastes.
Cette recherche effrénée de la sécurité absolue conduisant les entreprises à adopter des règles visant à atteindre le risque zéro, les effets négatifs sur la performance guettent l’économie à terme. Car qui cherche le risque zéro se verra dans l’impossibilité d’atteindre des résultats acceptables, sans même parler de résultats ambitieux.
Tout manager est un gestionnaire de risque en puissance. En poussant le raisonnement, on peut même dire que toute personne exerçant une activité, quelle qu’elle soit, au privé comme au professionnel, est appelée à gérer des risques. Le fait de se lever le matin en constitue déjà un.
Mais que veut dire gérer des risques ?
La réponse peut se résumer en quelques mots : peser le poids du risque en fonction du résultat que l’on cherche à obtenir puis, une fois la décision prise, assumer les éventuelles conséquences d’un risque avéré.
Chaque personne au sein de l’entreprise est appelée à devoir procéder à ce type d’évaluation et, en définitive, à prendre une certaine part de risque. Bien évidemment, ce dernier augmente avec le niveau de responsabilité. Dans certaines professions (chirurgie, par exemple), les décisions peuvent avoir des conséquences mortelles. Au niveau du sommet de la hiérarchie d’une entreprise, elles peuvent mettre en jeu l’existence de cette dernière.
Il est donc vital, pour tout décideur, d’être capable de vivre avec cette notion d’exposition au risque, sous peine de ne plus pouvoir décider et, de ce fait, de ne simplement plus pouvoir assumer les tâches pour lesquelles il a été désigné. En allant plus loin dans le raisonnement, il conviendra d’avoir la capacité de prendre sciemment des risques, après avoir soigneusement pesé ceux-ci en fonction du résultat recherché et, naturellement, des conséquences éventuelles d’une tournure négative des événements.
Soulignons, à cet égard, que l’expérience des décideurs représentera un atout clé pour assumer les dilemmes quotidiens auquel ils sont confrontés. Plus la personne aura été confrontée à des situations diverses et variées dans sa carrière, plus elle aura développé des aptitudes à gérer des choix cornéliens, ce d’autant plus que certaines décisions doivent parfois être prises dans l’urgence. Les formations académiques les plus poussées ne pourront compenser que très partiellement la jeunesse, donc l’inexpérience.
A contrario, les systèmes de rémunérations doivent être pensés de sorte que la fonction de gestionnaire de risque ne soit pas pervertie par une avidité qui pousse le décideur à adopter une conduite suicidaire. La crise financière qui a résulté d’une vision à très court terme stimulée par les perspectives de profits immédiats et énormes en est le meilleur exemple.
De la même façon, l’hyper réglementation qui règne aujourd’hui doit faire l’objet d’une profonde réflexion sur le fonctionnement de notre société, sous peine de neutraliser les performances économiques avec les conséquences désastreuses que l’on peut imaginer.
Il n’est pas rare d’entendre des collaborateurs extrêmement performants se plaindre d’être finalement punis pour leur capacité de production hors normes, puisqu’elle leur fait subir une inflation proportionnelle de bureaucratie et, de plus en plus souvent, une surveillance accrue sur fond de suspicion. Le corollaire en est une tendance à éviter de dépasser la moyenne, afin de ne pas être enseveli. Certains collaborateurs et même des cadres décident d’ailleurs de lever le pied afin de se mettre dans le rang, empêchant ainsi l’entreprise de bénéficier de performances exceptionnelles. Il s’agit d’un véritable nivellement par le bas.
Dans ce contexte, la pression sur les managers va grandissante. Il doivent, plus que jamais, être capables de créer une culture de la gestion du risque qui permette à l’entreprise d’être « compliant » tout en atteignant des résultats ambitieux. Cela demande de fortes convictions que les belles réalisations sans prise de risque n’existent tout simplement pas et que, à fortiori, vouloir placer le curseur sur zéro signifiera la mort de l’entreprise.
La fonction de manager fait appel, plus que jamais, à des qualités comme le courage et l’esprit d’abnégation.