Photos © Marc Landert
Par Sylvie Macquet
Rien ne le destinait à l’hôtellerie. Mais Marc Landert, manager averti, a su saisir les opportunités.
Un jeune qui a de l’avenir dans l’hôtellerie est celui qui va parfois à contrecourant des technologies ». À contrecourant ? Cette posture a plutôt réussi à Marc Landert, directeur du Beau-Rivage à Neuchâtel, hôtel cinq étoiles. À 33 ans, une sacrée performance.
Marc Landert est contre le « toujours plus ». « La terre est comme une baignoire, on ne peut pas continuellement la remplir », illustre-t-il pour expliquer la nécessité de trouver un autre modèle économique. Il aime les choses simples, il aime les gens, il aime rendre service. Selon lui, les êtres humains vont se lasser du tout digitalisation. Celle-ci a eu des effets positifs, comme la facilitation et l’augmentation des réservations. Mais elle ne doit pas faire oublier le sens du contact humain.
Un client reviendra s’il s’est senti chez lui au Beau-Rivage, si le serveur lui a expliqué la carte plutôt que lui avoir tendu une froide tablette avec QR code. Il admire pour cela le Badrutt’s à Saint-Moritz, un hôtel historique dont le concierge, à l’entrée, est toujours là, avec un sens naturel du service. Marc Landert explique que « Travailler dans l’hôtellerie est difficile, mais le métier vous le rend bien. Il faut juste passer du temps sur le terrain pour connaître les ficelles. Et bien s’entourer pour travailler dans la confiance ». Confiance également que lui ont témoigné ses anciens employeurs, et actuellement Thomas Maechler, propriétaire du Beau-Rivage.
L’on pourrait penser que Marc Landert a brûlé les étapes. « Non, juste une histoire de hasards ! », dit-il modestement. Après le gymnase en biologie-chimie, il se destinait à la banque. Son service militaire l’a rattrapé. Capitaine à l’armée, il s’est retrouvé à la tête de 200 hommes, presque tous plus âgés que lui. « Ça forme un homme ! Mais quand le travail est bien fait, on se fait respecter » Il était sur le point de s’engager à l’école de police pour poursuivre son expérience militaire. Mais un ami l’a invité à la fête d’une école hôtelière. Il a été séduit par l’esprit qui planait et par, il faut bien le dire, la facilité à trouver un emploi.
Après l’école hôtelière, le voilà projeté à la direction du Grand hôtel des Rasses (trois étoiles). Puis il se retrouve plus jeune directeur suisse d’un quatre étoiles supérieur, l’Hôtel Nendaz 4 vallées & SPA, et depuis septembre 2020 à la tête du Beau-Rivage Hôtel de Neuchâtel. Marc Landert a su saisir sa chance, et il la cultive : « Mon plus grand défi, c’est de trouver le mot juste pour fidéliser le client. Cela prend du temps. Je sais que quand les clients disent ‘On va au Beau-Rivage voir Landert’, j’ai gagné ce défi ». Un autre challenge s’est présenté il y a quinze mois : faire tourner l’établissement sans sa clientèle business habituelle. « On a réussi : aujourd’hui, on a près de 80 % de clientèle de loisirs, et bientôt, on devrait voir revenir nos clients B to B ».
Mais finalement, sa plus grande fierté est d’avoir trouvé un équilibre personnel. Travaillant à dix minutes de son lieu de vie, il n’hésite pas, s’il peut s’extraire de l’hôtel, à passer un moment avec son épouse ou aller encourager ses enfants au hockey. Lui-même participe à un « championnat des bouts de bois », comme il nomme les rencontres sportives de son équipe de hockey. Cet homme au langage « pas très corporate » a su se faire une place dans l’hôtellerie suisse. On ne doute pas qu’il fera encore du chemin…
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Photos © Benoît Greindl
Par Sylvie Macquet
Après des années d’entrepreneuriat bien remplies, Benoît Greindl a souhaité donner plus de sens à son action. L’entreprise, si elle prend en compte le bien commun, représente un formidable moteur pour construire un monde nouveau.
On a deux vies, et la deuxième commence quand on se rend compte qu’on n’en a qu’une ». Benoît Greindl a fait sienne cette célèbre citation de Confucius, en la mettant en pratique. Après des études de commerce, ce Belge co-créée une société de service immobilier aux entreprises, qui s’exporte dans huit pays européens. Le concept séduit et en quelques années trois cents personnes rejoignent l’entreprise, avant d’être revendue.
A 40 ans, Benoît Greindl emménage à Shanghai avec femme et enfants pour y recréer la même activité. Et c’est là, au bout de cinq années chinoises, que Benoît se questionne sur ce que, avec son expérience et ses réflexions sur la société, il a à apporter aux générations futures, à l’économie, à la planète. En s’interrogeant au plus profond de son être, il prend conscience que si l’entrepreneuriat est une fantastique aventure, les modèles économiques actuels ont largement atteint leurs limites.
C’est ainsi qu’en 2010, Benoît et sa famille reviennent en Europe pour s’installer en Suisse. Ce pays les attire par sa beauté, et par son modèle de gouvernance publique qui respecte la diversité et qui permet l’innovation. Benoît continue de créer des activités, mais dans un tout autre esprit. Cet amoureux de la nature, se lance, avec son cousin, dans une aventure de reconversion d’anciennes granges en un centre de séminaire pour entreprises : Montagne Alternative, en pleines Alpes suisses. « Les entrepreneurs ont pris conscience des changements sociétaux et environnementaux, et veulent inscrire leur action de production dans le respect des contraintes actuelles. L’idée est de les aider, dans leur quête de sens, à se reconnecter à la nature… et à leur nature ».
Une autre idée dans laquelle Benoît s’est engagé : « L’approche intégrale des modes de management. L’entrepreneur ou le salarié n’est pas qu’un cerveau, mais également une psychologie, des émotions, un corps… » C’est ainsi qu’il co-crée l’antenne européenne de the Resilience Institute, un service d’accompagnement des managers. « Nous stimulons et soutenons le changement organisationnel par la prise de conscience, la compréhension et la pratique menant à un changement de comportement ».
Pour mesurer l’action économique, il prône au travers du mouvement B Corp la nécessité de revoir les indicateurs actuels, complètement obsolètes. Les nouvelles mesures doivent prendre en compte des notions liées au bien-être.
Il y a deux façons de regarder le monde actuel : soit on est paralysé par l’ampleur des problèmes environnementaux et sociétaux, soit on se focalise sur les solutions qui émergent partout et on développe une nouvelle vision du monde en entreprenant de manière engagée et quasi-militante.
« L’entrepreneuriat est une machine à innover, c’est un moteur extraordinaire. Si la planète nous montre qu’il y a urgence à changer de braquet, l’entrepreneuriat nous dit que c’est possible de faire face à ces défis. Il y a deux façons de regarder le monde actuel : soit on se focalise sur les problèmes environnementaux et sociétaux, soit on développe une autre vision du monde, pour construire mieux.
Les technologies apportent un essor fabuleux des connaissances globales. Partageons cette richesse, utilisons-la à bon escient ! Cherchons moins à optimiser à tout prix ce que nous faisons, et allons vers plus de collaboratif. » Avec tous ses projets qui vont dans le sens d’un avenir résilient, Benoît Greindl a réussi à « ne pas rêver sa vie, mais vivre ses rêves ». Une belle leçon de vie et d’espoir.
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Photos © Hélène Gache
Par Sylvie Macquet
On ne compte plus les engagements personnels et professionnels d’Hélène Gache. Qu’est-ce qui fait courir cette Franco-Suisse à l’énergie communicative, arrivée en terre helvétique en 1995 et qui, depuis, a vécu mille vies ?
Un coucher de soleil en pleine nature. Travailler pour construire un monde meilleur. Partager avec des gens intelligents. Avoir le sentiment de se dépasser. Découvrir. C’est de tout cela qu’Hélène Gache s’inspire tout au long de ses activités. « Pour trouver mon équilibre, j’ai besoin de tendre vers la beauté », exprime cette femme énergique, enthousiaste et accessible. Et la beauté, pour cette entrepreneure humaniste, c’est bien plus qu’une question esthétique : c’est avant tout faire du mieux possible pour améliorer le monde, en privilégiant l’ancrage local.
Outre vingt années passées chez IBM et à la direction d’une PME, et parallèlement à ses fonctions actuelles de directrice de l’OPI, Hélène Gache multiplie les engagements sociaux et économiques : des responsabilités dans l’association des parents du jardin d’enfants de sa commune, puis la présidence d’un cercle de femmes entrepreneures, la politique en se présentant au Conseil national puis en étant élue au Conseil communal, du mentorat auprès des jeunes…
Membre du comité d’initiative pour la micro-taxe, Hélène Gache œuvre pour le remplacement de la fiscalité actuelle. Selon elle, la micro-taxe serait plus juste, plus transparente et plus simple. Cette idée rejoint une vision plus grande qui lui tient à cœur : « On doit travailler sur de nouvelles formes économiques, associant les technologies et le respect de notre écosystème. Je suis convaincue que la société actuelle peut continuer à croître, mais seulement à ces conditions. »
Autant attirée par les mathématiques que par la philosophie, Hélène Gache est quelqu’un de très logique. Dans toute nouvelle idée qui lui est soumise, elle recherche la pertinence, la modernité, l’ancrage sociétal, la rupture des codes traditionnels. « Et quand une idée me plaît, j’adore en faire la promotion ! »
Ce qui compte, pour Hélène Gache, ce n’est pas de se démarquer parce que l’on est une femme ou un homme : c’est la singularité de chaque être humain. Être soi-même. Travailler sur ses capacités. Œuvrer en intelligence. « Dans la vie, on doit pouvoir faire ce que l’on veut, tout en respectant qui l’on est. Cela demande de faire des choix parfois, entre la famille et des défis professionnels par exemple. Ce n’est pas toujours facile. » Le tout est de croire à son idée, de la confronter aux bonnes personnes, et d’être à l’écoute. Mais aussi d’oser, oser, et oser encore : il ne faut pas oublier que toute réussite passe d’abord par des échecs. Sa devise préférée, celle d’une publicité pour la marque Porsche dans les années 1980 : « Se dépasser, une course qui ne finit jamais. » Pour Hélène Gache, se dépasser, c’est devenir meilleur.
L’inspiration vient à Hélène Gache par les rencontres, qui lui donnent envie d’avancer. Son parcours a été nourri de la richesse des rencontres avec des femmes et des hommes dans tous les domaines. Elle a également été marquée par des personnages comme Albert Camus, pour son humanisme, Léonard de Vinci pour son génie, Simone de Beauvoir, Christine Lagarde… Mais ce n’est pas parce que l’on est connu que l’on a une légitimité pour changer le monde : chaque personne à son niveau peut avoir un impact. « Aujourd’hui, je suis fière de ce que je suis, et fière de pouvoir contribuer aux questions sociétales, à ma manière, en toute humilité. » Laisser une trace de notre passage qui soit utile : Hélène Gache y tient beaucoup.
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Photos © Gregory Feret
Par Sylvie Macquet
Rien n’arrête son énergie débordante. L’esprit « team player » de Gregory Feret lui fait gravir les montagnes. Dans son sillage, des entrepreneurs qu’il aide à croître.
La finance a cela de commun avec le sport de haut niveau, c’est qu’il faut être performant, suivre une ligne directrice, et ne jamais lâcher sur la rigueur. » Gregory Feret, ancien volleyeur de première division en semi-pro, sait de quoi il parle. Il a toujours su conserver la même énergie, le même perfectionnisme et le même esprit « team player ». Il sait l’importance de trouver son équilibre, et a trouvé le sien entre une bonne organisation professionnelle, sa famille, et les quatre à huit heures de sport par semaine. On l’aura compris, Gregory est un compétiteur. Il adore relever des défis pour acquérir de nouvelles compétences. La digitalisation de la société l’inspire, en ce sens que plus elle se développe, plus elle donne du temps et de l’importance aux relations humaines.
Gregory est tombé dans la marmite de l’entrepreunariat dès le plus jeune âge. Alors qu’il est enfant, son grand-père tient une épicerie-boulangerie au rez-de-chaussée de l’appartement familial. À quinze ans, il entre en apprentissage dans les assurances, un secteur qu’il découvre par hasard. Winterthur accueille et forme ce jeune plein de promesses. Mais à 22 ans, les fourmis dans les jambes et les projets plein la tête, il quitte la société pour monter avec l’un de ses collègues un bureau de courtage en consulting d’assurances. Tous deux prennent des risques financiers énormes, et se trouvent confrontés à des complexités qu’ils n’avaient pas anticipées. Ils tiennent le coup grâce à une société de financement hypothécaire montée en même temps.
Tout est affaire de rencontres, et ils croisent le chemin de Jean-Maurice Cailler, multi-entrepreneur. Leurs deux sociétés fusionnent pour devenir Sorrel. Leur stratégie : racheter des courtiers en Suisse. À l’été 2015, ils atteignent 11 millions de chiffre d’affaires et septante collaborateurs. Nouvelle rencontre majeure : Christian Burrus, un industriel du métier. Sorrel devient Qualibroker et, dix ans plus tard, la société affiche 27 millions de chiffre d’affaires et 120 collaborateurs. Une belle évolution de carrière, mais « ce n’est pas l’argent qui nous ‘drive’, dit Gregory, ce sont les projets. Les assurances nous permettent d’approcher des métiers et des univers tellement variés et intéressants ! » On n’arrête plus une équipe qui gagne. En 2017, ils créent le Silicom group, des solutions digitales au service de la productivité des entreprises.
Parce qu’il a envie de participer aux changements des mentalités dans une économie qu’il souhaiterait plus ouverte à la diversité, Gregory Feret multiplie les engagements. Il préside le réseau Entrepreneur’s Organization en Suisse romande ; il est présent lors de nombreux événements d’entrepreneurs ; il fait partie de Enki Capital, un fonds de private equity qui vise les PME ; enfin, le mois dernier, il est entré au conseil d’administration de la société de construction Induni. « Cela a du sens, moi qui aime construire. Je trouve passionnant d’aider les gens à grandir, d’arriver à mobiliser leur leadership ! » Sa maxime préférée est, en toute logique : « You don’t have to be great to start, but you have to start to be great ». Un conseil à donner à un jeune qui se lance ? « Voyager léger. Toujours revenir à l’essentiel. Garder son humilité. L’ego doit rester mesuré pour apprendre des autres, et réussir à travailler ensemble. Et puis, une bonne organisation, et vous êtes disponible à ce et à ceux qui se présentent. »
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Photos Keller © Trading
Par Sylvie Macquet
Très jeune, elle trouve un produit révolutionnaire qu’elle commercialise encore aujourd’hui : la microfibre. Rencontre avec Babette Keller Liechti, la fibre de l’entrepreneuriat chevillée au corps. Et, surtout, une personnalité hors norme.
Devenir dirigeant s’apprend, pas entrepreneur ! On naît tous avec un cadeau. Le mien, c’est la capacité à entreprendre. » Babette Keller Liechti est à la tête de Keller Trading, une entreprise qu’elle a créée très jeune, devenue le leader mondial de la microfibre de haute qualité. Pourtant, Babette n’entrait pas dans le moule des études, comme disaient ses parents. Elle voulait être décoratrice, son père la destinait à devenir vendeuse de chaussures, elle deviendra… entrepreneur !
Sa vie est une succession d’intuitions. D’abord, à l’âge de 17 ans, elle commence par découvrir l’Asie à bord du Transibérien. Elle se marie et accouche de son premier enfant. Elle n’a que 21 ans quand son père lui propose de coudre mille petits étuis en coton pour des boîtiers de montre. Il lui suggère de baptiser ses étuis « Keller Trading ». La première pierre de son édifice est scellée.
En mère de famille très occupée, Babette coud la nuit. L’année suivante, rebelote, pour deux fois plus d’étuis. La troisième année, encore plus. Elle démarche sa banque pour acheter une machine à coudre plus performante. On lui refuse le prêt, sous prétexte qu’elle ferait mieux de s’occuper de ses enfants ! Il ne lui en faut pas plus pour piquer sa détermination. Elle relèvera ce nouveau défi. Elle demande au commerce Bernina de lui vendre une machine avec paiement à soixante jours. Ni une, ni deux : avec sa nouvelle Rolls-Royce, elle travaille trente nuits d’affilée. Elle doit coudre une serviette provenant d’Inde, la Selvyt, qui fait énormément de poussières et la ralentit. Elle se met alors à la recherche d’un nouveau textile et trouve son bonheur au Japon : une microfibre de haute qualité que Keller Trading utilise toujours aujourd’hui. Babette sent qu’elle dispose d’un produit révolutionnaire.
« Pour moi, c’est toujours plus facile de descendre une montagne que de la gravir. Alors j’ai tapé haut : j’ai envoyé une serviette en microfibre aux 200 meilleures maisons horlogères. Et j’ai reçu… 200 commandes ! » Les fondations de Keller Trading sont posées. Et la société court toujours aujourd’hui. Babette a su lui faire prendre les virages, comme pendant la pandémie avec la fabrication de masques en microfibre bien plus confortables et sûrs que la plupart des autres. Elle se dit fière de son entreprise, fière de ses collaborateurs fidèles « qui m’ont vu rire et pleurer pendant toutes ces années ! »
Babette Keller Liechti est une personnalité hors norme. Pleinement dans l’instant présent : « Je vis chaque jour comme s’il était une vie ». Chaque rencontre est un cadeau. Elle transforme chaque point faible en point fort. « Quand j’ai un rendez-vous, je m’apprête toujours. Ce n’est pas du temps perdu, mais l’occasion de préparer ma journée. »
L’année 2009 est un tournant pour elle. L’élection de Barack Obama la marque. Elle reçoit le prestigieux prix Veuve Clicquot* qui la force à se retourner sur sa carrière, elle qui regarde toujours devant. Et puis, surtout, avec un fils engagé auprès de Greenpeace, les questions écologiques la font s’interroger sur ses pratiques.
Pourtant, la vie ne lui a pas fait que des cadeaux. Un grave accident de la circulation la rend invalide pendant un certain temps. Et la maladie de Horton la laisse KO pendant quelques années. Un maître du Reïki la sauve. Finalement, elle remercie la maladie qui lui a tant appris. À nous de vous remercier, Babette, pour la lumière que vous dégagez, pour ce que vous donnez. Du bien, tout simplement.
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Photos Christian Brunier © SIG
Par Sylvie Macquet
Depuis sa jeunesse, il mène les combats qu’il estime justes. Y compris de l’intérieur de SIG, entreprise « durable » dont il est directeur général depuis sept ans. Christian Brunier, ou une vision optimiste de la société.
Carpe diem, c’est son credo. Ne rien regretter, ni toujours penser à ce que l’on fera le lendemain. Christian Brunier profite du temps présent, ce qui ne l’empêche pas d’avoir – ou d’avoir eu – de nombreux engagements. De la politique qui l’a mené loin – Président du parti socialiste, député, chef de groupe –, il a pris la direction d’un syndicat et la présidence d’associations. Et, dans la vie professionnelle, là aussi il a gravi une montagne : d’apprenti à directeur général de SIG, fournisseur d’énergie de 1 700 salariés, une ascension impressionnante !
Fils d’ouvriers, il n’était pas mauvais élève, mais davantage intéressé par la musique. À 15 ans, il décide de quitter les bancs de l’école. Mais comme la musique ne nourrit pas son homme – à de rares exceptions près –, il suit un CFC employé de commerce, et le revendique : « De nombreux chefs d’entreprise cachent être passés par cette étape. Pourtant, c’est important de montrer aux jeunes que toutes les voies sont possibles. » Il se lance dans l’informatique, un peu par hasard, et démarre un stage à SIG. « Et je n’ai jamais quitté l’entreprise. Mais j’ai changé de postes tous les trois ans environ : chef de projet, responsable de la conduite du changement, directeur des services partagés… À chaque fois qu’un secteur était sinistré, je m’y retrouvais pour redresser la barre. Cela marchait assez bien. » Modeste, Christian Brunier n’en est pas moins admirable. Parce qu’en parallèle de ses missions, ils passaient les diplômes requis – diplôme fédéral de chef de projet, puis MBA – pour monter en hiérarchie. « À chaque fois, ce n’était pas tant pour apprendre des choses que pour confirmer des acquis. »
Christian Brunier trouve du sens dans son travail, puisque sa position de Directeur General lui permet d’œuvrer pour des combats auxquels il croit. Les questions liées au climat sont pour lui une priorité absolue. Ce sujet va bien au-delà des opinions politiques. Il touche les dimensions sociales, économiques, de l’emploi… en pleine dynamique. La technologie, les innovations ou l’écologie sont de formidables leviers pour participer à cette mutation.
Autre question importante pour lui, le bien-être au travail. Il voulait en finir avec le pilotage à la méfiance. « Plus on donne de la confiance aux collaborateurs, plus ils vont s’en montrer dignes ; les jeunes, en particulier, sont de plus en plus formés, laissons-les entreprendre. Nous avons instauré un horaire à la confiance pour ceux qui le souhaitaient, et autorisé deux journées de télétravail par semaine. Nous avons appelé ce programme ‘ÉquiLibre’ – avec un L majuscule au milieu. » Chacun y a trouvé son compte, y compris la planète. « Ainsi, nous n’aggravons pas la pollution aux heures de pointe, et n’accentuons pas les besoins en routes. » Et puis, avec des entreprises de secteurs variés, il réfléchit à l’évolution extrêmement rapide des métiers. Qui peut dire ce qu’ils seront dans une ou deux décennies ?
Christian Brunier estime que c’est sa responsabilité de dirigeant d’anticiper ces changements, et d’envisager l’entreprise autrement. « Le Covid a donné raison aux patrons qui font différemment. C’est guidés par l’humanisme et la protection de l’environnement que nous pouvons construire une économie durable, pas par la financiarisation. » Beau programme, qu’il met en pratique au quotidien.
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Pour inspirer, il faut être prêt à être inspiré
Christian Brunier ou une vision optimiste de la société
Babette Keller LIechti – La fibre au corps
Gregory Feret – Pour avancer? Voyager léger et conserver son humilité!
Les secrets de vie d’Hélène Gache
Benoît Greindl – L’ Entrepreneuriat moteur d’un nouveau monde
Marc Landert – A la tête d’un hôtel 5 étoiles à 33 ans
La rédaction du Monde Économique innove avec la sortie de son palmarès 2021 des 7 dirigeants « inspirants ». Parce que la période se prête aux envies de retrouvailles, ce numéro vous fait découvrir le visage de sept personnes qui ont toutes des choses à dire sur la société, sur l’économie, et sur le vivre ensemble dont nous avons tant besoin. Ce palmarès ambitionne de nous réunir autour de valeurs humaines, d’idées positives et de messages d’espoir. Et c’est bien ce que nous transmettent ces sept entrepreneurs inspirants.
Par définition, l’inspiration est un « mouvement intérieur, une impulsion qui porte à faire, à suggérer ou à conseiller quelque action ». Et nous sommes justement au cœur de l’action avec ces entrepreneurs qui font la vie économique et sociale de nos territoires. Comme l’a si bien exprimé cette personnalité lumineuse qu’est Babette Keller-Liechti, au cours de son entretien avec le Monde Économique, l’inspiration est une affaire d’échange : « On s’inspire mutuellement, parce que pour inspirer les autres, il faut être prêt à être inspiré. »
Ces sept personnes inspirantes s’appellent Christian Brunier, Grégory Feret, Hélène Gache, Benoît Greindl, Babette Keller-Liechti, Marc Landert et Valérie Neim. Ces femmes et ces hommes ont tous ce petit quelque chose qui les rend à la fois différents et universels. Un petit grain de folie ? En tout cas, certainement de la créativité, et cette folle envie d’apporter leur pierre à l’édifice d’un monde nouveau, plus humain, plus écologique et plus respectueux de ce qui nous entoure. Ces dirigeants ont tous une formidable présence au monde et à l’autre.
Ces chefs d’entreprise ne sont pas nécessairement bardés de diplômes ou ne vivent pas tous en Suisse (c’est le cas de Valérie Neim), mais ils ont de l’énergie à revendre, regorgent d’idées, et ont une capacité d’organisation à toute épreuve. La recherche de l’excellence, la réflexion, la remise en cause, l’écoute de la société et des contraintes écologiques sont leur moteur. Et avant tout, au cœur de tout ce que ces personnes inspirantes racontent, se trouve l’envie d’une société plus humaine, qui laisse sa chance et sa place à chacun d’entre nous.