Simplification et innovation : les deux grands enjeux de la loi Pacte

7 juin 2018

Simplification et innovation : les deux grands enjeux de la loi Pacte

Initialement prévu début mai, l’examen de la loi Pacte interviendra en juin prochain. Au programme du gouvernement français : la mise en place de nouveaux cadres législatifs transformant l’entreprise pour favoriser l’innovation et la création d’emplois. Explications.

Objectif 2019. Bercy, le ministère de l’économie et des finances français, n’est plus à quelques semaines près pour présenter sa loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises). Son passage par le conseil des ministres prévu le 2 mai a été décalé au mois de juin, ce qui ne changera pas fondamentalement la donne : le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire garde en point de mire le 1er janvier 2019 pour l’entrée en vigueur de l’intégralité du texte. Un texte qui accompagne les changements profonds que vivent déjà les entreprises françaises et que l’Etat souhaite accompagner de la manière la plus efficace possible.

Faire grandir les entreprises

« L’objectif de la loi Pacte est très clair : c’est de faire grandir nos entreprises pour qu’elles soient plus solides, créent plus d’emplois, et que l’on ait un tissu économique plus fort en France, avance le ministre. L’objectif est aussi de mieux associer les salariés aux résultats et aux fonctionnements de l’entreprise. Nos entreprises sont trop petites, elles n’ont pas la taille critique pour s’internationaliser et exporter davantage. Elles doivent avoir des reins plus solides pour innover et exporter. » Pour la préparation du texte, Bercy a mené de longues consultations. Plus de 7700 personnes interviewées, 12800 contributions, pour aboutir à 31 propositions autour de 6 thèmes :

  • Création d’entreprise, croissance, transmission et rebond
  • Partage de valeur et engagement sociétal des entreprises
  • Financement des entreprises
  • Numérisation et innovation
  • Simplification
  • Conquête de l’international

Tous les acteurs économiques hexagonaux sont d’accord sur une chose : l’urgence à agir. « La France reste plombée par le chômage et le déficit du commerce extérieur, constate Antoine de Riedmatten, commissaire aux comptes et directeur général d’In Extenso, dans une tribune aux Echos en mars dernier. C’est donc sur ces deux sujets que la loi Pacte doit porter le fer. Faciliter la création d’emplois et l’efficacité commerciale, cela passe aussi par la digitalisation des procédures de lancement d’entreprise. Avec un guichet numérique unique et une identité digitale des citoyens et des entreprises permettant d’entrer, une fois pour toutes, toutes ses informations. » Simplifier la vie des entreprises et créer des emplois : voici donc la feuille de route du gouvernement.

Le choc de simplification, c’est maintenant

Le 23 avril dernier devant l’assemblée générale du Global Compact France, le président de Michelin Jean-Dominique Senard a résumé tout haut ce que ses pairs grands patrons pensent tout bas : les entreprises françaises doivent se libérer du trop-plein de régulations. « Les contraintes, je les connais bien au quotidien et je ne peux que souscrire au fait de ne pas rajouter d’obligations, affirme le patron de Michelin, également co-auteur d’un rapport sur le statut de l’entreprise avec l’ancienne syndicaliste Nicole Notat. C’est pour cela que j’ai tout fait pour que l’on n’en rajoute pas dans le rapport (ndlr : rapport remis le 9 mars dernier au ministre Bruno Le Maire). Celui-ci doit être vu comme un hymne à la responsabilisation des entreprises. » Le gouvernement est donc appelé à moins réguler tout en « moralisant » le statut des entreprises françaises. C’est un fait : ces dernières vivent une révolution profonde de leur gouvernance, tournée vers davantage de responsabilité sociétale (RSE). De nombreux signaux montrent que l’exécutif souhaite inscrire cette « transformation responsable » dans une stratégie au long cours. « Nous voulons inscrire dans le marbre le principe que l’entreprise n’est pas seulement au service de ses actionnaires mais qu’elle doit être attentive aux enjeux sociaux et environnementaux de son activité », ont expliqué les deux rapporteurs qui ont auditionné plus de deux cents personnes, juristes, chefs d’entreprises, responsables d’organisations professionnelles… Cette révolution – puisqu’il s’agit de dépoussiérer le statut de l’entreprise qui date de 1833 – ne pourra être facilitée que si elle est accompagnée d’une réelle simplification administrative. C’est exactement ce qu’attendent les chefs d’entreprise de la loi Pacte.

L’innovation, moteur de l’emploi

Cette simplification a donc comme objectif majeur la création d’emplois. Dans la pensée du président de la République, lutter contre le chômage passera nécessairement par l’innovation. Cette loi Pacte devrait laisser les coudées franches au gouvernement pour honorer l’une des grandes promesses du candidat Macron en 2017 : la réussite du Fonds pour l’innovation de rupture, avec son enveloppe de dix milliards d’euros. Inauguré officiellement en janvier dernier, ce fonds – piloté par Bpifrance – s’appuie sur des cessions d’actifs de l’Etat dans des entreprises non stratégiques. Dès l’été 2017, le nouveau gouvernement a listé différentes entreprises dans lesquelles il pourrait vendre tout ou partie de ses participations. La première salve de cessions a eu lieu rapidement, avant Noël dernier, avec Engie et Renault. En septembre, l’Etat cède d’abord 4,53% du capital d’Engie (ex-GDF-Suez) pour 1,53 milliard d’euros ; en novembre, le gouvernement choisit Renault et réduit sa participation au capital du constructeur automobile. Une vente qui rapporte 1,21 milliard d’euros supplémentaires, en faveur des caisses du Fonds pour l’innovation.

Mais pour les cessions suivantes, l’Etat a besoin de changer les conditions de sa présence au capital de certaines entreprises. Dans les mois qui viennent, le gouvernement pense en effet céder une partie de ses actifs dans deux d’entre elles : la Française des jeux et les Aéroports de Paris (ADP). « Il y a – dans l’idée de céder des actifs de l’Etat dans ADP – une vraie vision de ce que doit être l’Etat dans l’économie », considère Bruno Le Maire. Pour le locataire de Bercy, il n’est plus logique, en 2018, de « bloquer neuf milliards d’euros – c’est à peu près le montant de la participation de l’Etat dans ADP – pour environ 180 millions de dividendes alors que ces neuf milliards pourraient être utilisés de manière plus efficace. Je préfère que l’Etat régule le trafic plutôt qu’il immobilise neuf milliards dans l’entreprise ». Le ministère de l’Economie raisonne de la même manière pour la FDJ, dont l’Etat français détient encore 72% du capital. « L’Etat peut être beaucoup plus efficace en régulant l’activité plutôt qu’en étant présent au capital, considère le ministre. Que l’Etat s’occupe des jeux de hasard, ça ne me paraît pas son rôle. Qu’il s’occupe des boutiques ou des grands hôtels à Roissy-Charles-de-Gaulle ou à Orly, ça ne me paraît pas son rôle non plus. » L’Etat choisit donc de changer de rôle, passant de celui d’actionnaire à celui de stratège.

Dans le cas d’ADP et de la FDJ, l’Etat doit réviser le cadre législatif des cessions de participation, la législation actuelle ne lui permettant pas de passer sous la barre des 50% du capital pour ADP, et 33% dans le cas de la FDJ. La loi Pacte fera sauter ces verrous afin d’alimenter le Fonds pour l’innovation, et permettre le bon fonctionnement de celui-ci. Une étape essentielle dans le projet du président Macron.

 

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