Il y a une dimension de l’entreprise que les théoriciens de la transformation abordent peu : c’est la marque. Sans doute parce qu’ils la considèrent, à tort, comme de la « cosmétisation » plutôt que de la transformation. Or même ce que l’on appelle un lifting de marque peut révéler des mouvements de fond beaucoup plus profonds au niveau structurel, managérial ou culturel.
Mieux, le branding est en soi un agent de transformation, notamment dans le cas de refonte de marque. C’est en réfléchissant en amont à la raison d’exister de la marque, à sa vision sur le monde et sur son marché, aux valeurs qu’elle souhaite incarner, que le processus de transformation s’amorce nativement, avec des résultats tangibles quasi-immédiats, le branding impactant toutes les composantes visibles de l’organisation. Ce constat est particulièrement explicite dans le cas de diversification de marque, qui entraîne l’entreprise sur de nouveaux marchés ou dans de nouvelles activités.
Nous évoquerons enfin le phénomène de digitalisation de marque, à l’origine également de transformations significatives, que ce soit à travers le e-commerce, le digital marketing ou, de manière plus radicale, l’uberisation de la marque.
Comme les organismes vivants, les marques vieillissent. Les signes sont visibles : une typographie datée, des couleurs devenues un peu vintage, un design produit à l’ergonomie dépassée, un discours de marque resté très institutionnel…Le phénomène est naturel, mais cependant la marque doit réagir vigoureusement, sous peine de voir ses ventes s’éroder, car la société de consommation est ainsi faite que tout ce qui parait « daté » se dévalorise intrinsèquement.
C’est pour cette raison que de nombreuses entreprises recourent au lifting de marque, qui consiste à rafraîchir certaines composantes du branding, notamment au niveau des points de contact entre la marque et ses consommateurs (logo, packaging, point de vente, site internet, publicité etc). A titre d’exemple, Coca-Cola revisite régulièrement son design (typographie, graphisme, design bouteille et canette), par petites touches, afin que la marque reste en phase avec l’air du temps.
Ce type de lifting incrémental n’est pas assimilable à de la transformation, car il concerne exclusivement les caractéristiques tangibles, visibles de l’organisation, sans impacter ses processus, son organisation, ses valeurs.
Cependant, certains lifting vont au-delà des effets de surface, jusqu’à bouleverser l’identité de la marque : ClubMed et son repositionnement haut de gamme, la renaissance de Gucci sous l’ère Tom Ford, la modernisation de Fiat… Ce sont toutes les représentations collectives liées à ces organisations qui se retrouvent alors altérées, ouvrant de nouvelles perspectives de développement, à travers le recrutement de nouvelles cibles de clientèle, le lancement de nouveaux produits, l’ouverture de nouveaux marchés.
La diversification de marque participe également de la transformation d’entreprise. Quand une marque décide d’ouvrir un nouveau marché, de servir un nouveau segment de clientèle, de développer de nouvelles activités, il y a acte de transformation.
Prenons l’exemple de Caterpillar. A l’origine, la marque fabrique des engins de chantier. L’idée n’était pas illogique de proposer des chaussures de sécurité. De là à se lancer dans la chaussure grand-public, le pas était audacieux. Une prise de risque payante, la marque étant désormais reconnue comme un acteur à part entière du footwear.
La transformation par la marque a une particularité : elle n’impacte pas forcément l’organisation de l’entreprise, ni dans sa structure, ni dans sa culture. Tout simplement parce que la diversification peut être prise en charge par la marque uniquement, dans sa dimension immatérielle et esthétique. La fabrication des nouveaux produits, la mise en place des nouveaux processus Métiers, l’organisation de nouveaux circuits de distribution sont alors délégués à d’autres entreprises, dont le savoir-faire et l’expérience permettront de garantir le succès de l’extension de marque. A titre d’exemple, quand l’émission de télévision de Nicolas Hulot, Ushuaia, a fait le choix de se lancer dans les shampoings et les gels-douche, c’est à l’Oréal que la licence de marque a été confiée, avec le succès qu’on connait.
Dernier levier de transformation de marque : la digitalisation. Parce qu’elle contraint les marques à repenser leur image, leur style de communication, leur expérience client, en fonction de supports et medias (website, réseaux sociaux, applis mobile…) auxquels elles n’étaient pas préparées à l’origine. Si certaines d’entre elles se contentent de calquer leur identité visuelle existante sur ces nouveaux points de contact avec leur clientèle, d’autres sont contraintes de revoir leurs codes visuels dans un souci de modernité ou d’ergonomie : logo simplifié, couleurs plus contrastées, iconographie « instagrammable » …..
La transformation est encore plus évidente lorsque la marque bascule totalement d’un monde « brick and mortar » vers un univers « click and buy », l’enjeu principal étant alors de restituer l’ambiance particulière des points de vente sur des pages web. Certaines marques ont su parfaitement s’adapter, en enrichissant même au passage l’expérience consommateur, via des animations visuelles et auditives, de la réalité virtuelle, de la personnalisation. Même les marques de luxe, traditionnellement distantes et souveraines, ont dû se rendre plus abordables, en acceptant de se présenter en toute transparence sur leurs sites internet. Dior, par exemple, affiche en homepage le prix de ses articles en promotion, à l’identique d’un Sarenza ou un Amazon (qui d’ailleurs référence la marque…).
Hapax de la digitalisation de marque : l’uberisation. L’entreprise se transforme radicalement en dématérialisant la majorité de ses processus et activités. L’expérience client passe exclusivement par les canaux digitaux. La marque devient en quelque sorte plateforme, en interface virtuelle avec l’ensemble de ses parties prenantes. C’est la direction que semble prendre l’Edhec (Ecole des Hautes Etudes Commerciales du Nord) en France, dont le Directeur Général a récemment annoncé que l’établissement, jusque-là fortement identifiée par l’infrastructure de ses campus Lillois et Niçois, va évoluer vers un modèle de plateforme digitale qui, entre autres fonctionnalités, aura la capacité de massifier et internationaliser l’enseignement pédagogique via des modèles de MOOC, e-learning etc. Un concept qui a gagné en pertinence avec la pandémie actuelle…
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