Par Olivier de Berranger, CIO, La Financière de l’Echiquier
Les données récemment parues sur l’inflation américaine du mois de juin sont à nouveau rassurantes en première approche, confirmant une décrue au-delà même des attentes : 3% pour l’inflation totale selon l’indice CPI, contre 4% en mai, et 4,8% pour l’inflation sous-jacente, contre 5,3% le mois dernier.
L’effet de base des prix de l’énergie joue fortement dans la baisse de l’inflation totale, et devrait continuer à être favorable dans les mois prochains, de même que l’évolution des prix alimentaires. Deux facteurs auxquels les ménages sont particulièrement sensibles, ce qui devrait contribuer à maintenir les attentes d’inflation des consommateurs en territoire modéré. La Réserve Fédérale américaine (Fed) peut, de ce point de vue, commencer à souffler.
Plus rassurante encore, l’inflation sous-jacente, moins volatile, commence à bénéficier pleinement de la modération du prix des loyers – ou de l’équivalent du prix des loyers pour les propriétaires – dont l’effet se fera également sentir tout au long du prochain semestre.
Enfin, l’inflation sous-jacente des services hors logement, scrutée avec une attention particulière par la Fed, reflue également de manière très nette.
Les marchés actions de la plupart des pays ont salué ces données par des hausses significatives, et les courbes de taux se sont détendues, après un début de mois en sens inverse. Un air de détente souffle sur les marchés estivaux. Sera-t-il durable ?
Attention aux bourrasques. Tout d’abord, les banques centrales ont récemment marqué un discours très ferme sur l’inflation : les données conjoncturelles, sensibles aux effets de base, liés notamment aux suites immédiates de la guerre en Ukraine, doivent être mises en regard de facteurs de moyen terme jugés plus préoccupants, tels que l’inflation salariale toujours significative, ou encore la faible croissance de la productivité notamment dans les services. Ainsi la Fed par exemple a-t-elle tenu depuis quelques semaines un discours qui semble en décalage avec les données réconfortantes attachées à la seule inflation à la consommation. Va-t-elle à nouveau pivoter et assouplir son discours ? La réponse sera donnée lors de sa prochaine réunion de politique monétaire les 25 et 26 juillet, mais il serait étonnant qu’elle infléchisse nettement une posture offensive qu’elle a eu tant de peine à construire. Elle a en outre laissé entendre qu’elle préférait courir le risque de se montrer un peu trop restrictive quelque temps plutôt que de relâcher précocement ses efforts, surtout dans un contexte où l’emploi ne suscite aucune inquiétude.
Un autre facteur d’inflation nettement moins classique pourrait venir troubler l’accalmie à moyen terme. Il est encore mal connu et peu pris en compte par les banques centrales, à l’exception notamment de la Banque Centrale Européenne (BCE), car elles n’ont aucune prise sur lui et ne possèdent qu’une compréhension sommaire de ses effets : le climat. Il semble en effet acquis, si l’on en croit les études menées par les grandes institutions économiques, que le réchauffement climatique devrait avoir dans les prochaines années un effet inflationniste notable, estimé entre 0,32% et 1,18% par an par la BCE. Ce risque en partie saisonnier, et difficile à quantifier, concerne certes surtout le long terme. Mais il se manifeste également à court terme. Ainsi la BCE estime-t-elle que la vague de chaleur en 2022 a contribué à une inflation des prix alimentaires en Europe de l’ordre de 0,7%, et que de tels événements extrêmes devraient avoir un effet inflationniste proche de 1% à l’horizon 2035. Soit une part significative du rythme d’inflation de long terme.
Or justement, les établissements météorologiques mondiaux viennent d’indiquer que le mois de juin dernier avait été le plus chaud jamais documenté – de même que la première semaine de juillet. Ces records pourraient être en partie causés – ou renforcés – par le retour du phénomène climatique « El Nino », qui a notamment pour effet d’élever les températures et d’aggraver les événements extrêmes. Sa probabilité à court terme est aujourd’hui estimée à 90% par l’Organisation Météorologique Mondiale.
Le beau temps actuel sur les marchés pourrait donc être gâché par le retour de perturbations durables venues des banques centrales ou de facteurs physiques impossibles à anticiper exactement, mais dont l’influence est désormais indubitable.
Le grand soleil sur l’inflation pourrait devenir orageux.
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