L’idée d’un businessman milliardaire à la tête de l’Amérique n’a rien de saugrenu. D’autant plus que les Etats- Unis se sont toujours définis tant en termes politiques qu’en fonction de leur richesse économique… et en fonction de leurs milliardaires, ceux du pétrole et de l’immobilier, de préférence.
Le problème, c’est que le champion de la promotion immobilière qui aspire actuellement à la présidence n’est autre que Donald Trump, le personnage haut en couleurs qui a traversé les années 80 et 90 en faisant retentir dans le monde entier la chronique de ses exploits de playboy et en faisant chatoyer aux yeux de tous l’éclat de son luxe ostentatoire. La richesse mise au service d’une joie de vivre planétairement affichée, le business devenu spectacle mondain et surtout mondial : il y a 20-25 ans, Trump, entouré de ses délicieuses blondes, paraissait comme un personnage tout droit sorti de « Dallas » et de « Dynasty », les soap- operas américains que le monde entier, à cette époque, suivait avec passion et presque avec acharnement…
- Et le voilà qui revient aujourd’hui, reconverti en politicien : ayant déjà été tenté par l’idée de se présenter aux élections de 2012, il est aujourd’hui officiellement candidat à l’investiture républicaine pour la présidentielle de l’année prochaine. Métamorphose totale et radicale pour l’ancien playboy transformé aujourd’hui en vénérable pair, au visage (ô, surprise !) quelque part rappelant celui de Carter, voire de Clinton, et à l’allure et à la stature de futur chef de la nation. Des changements qui, paraît-il, affectent jusque la vie privée de Trump, cette vie qui autrefois faisait tant rêver les « foules sentimentales » : l’« homme à blondes » des années 80 s’est reconverti aux brunes – au moins à en juger de sa dernière en date épouse, une modèle slovène.
- Mais plus sérieusement : les spécialistes considèrent comme improbable l’investiture républicaine que Donald Trump aspire à obtenir pour 2016. Il n’empêche qu’en cet été 2015, on voit l’homme occuper le haut des sondages et faire beaucoup parler de lui. Si le bon sens rejette l’idée de « Trump – président », le « rêve américain », lui, toujours ancré dans les consciences outre- Atlantique et qui fait considérer la figure du milliardaire comme incarnation des possibilités illimitées que ce pays donne à tout un chacun de s’enrichir par son travail, ce rêve américain exige que Donald Trump ait sa place dans le paysage politique du pays, qu’il participe activement au grand débat pré-électoral et, s’il ne devient jamais président, qu’il soit au moins – et en dépit de toutes ses extravagances – l’un des doyens de la vie politique dans le pays de l’Oncle Sam. Dans un sens plus large du « rêve américain », dans son acception de « grandeur de l’Amérique », on peut supposer que Donald Trump plaît et gagne la confiance parce que toute une partie des Américains, nostalgiques de la place qu’occupaient autrefois les USA dans le monde, voient en cet homme des années 80 un nouveau Reagan. Ils y retrouvent le politicien à la carrure forte et à la parole tranchante qui est capable de redresser l’économie et de restituer à l’Amérique son image de puissance que l’on craint et dont on tient compte partout dans le monde. Ceci dit, il est vraiment peu probable qu’en 2016 ces mêmes républicains votent pour que Donald devienne effectivement leur nouveau « Ronald ». Le risque d’être trumpé par les apparences est trop grand – plus que le bon sens républicain puisse l’assumer. On n’oublie pas qu’à la différence de Ronald Reagan, gouverneur de la Californie pendant deux décennies entières, Donald Trump n’a jamais jusqu’alors fait ses preuves dans la politique.
- En revanche, nul ne peut nier les qualités que Trump a déployées sur l’agora marchande et financière : comme businessman, il a été l’un des leaders de la promotion immobilière. Or, la vérité est – comme le constate l’observateur Joel Peterson – que la Maison Blanche est non seulement le foyer de la vie politique américaine mais aussi une entreprise – avec tout ce que cela suppose d’ « économique » et de « financier », avec un capital qui se monte à plusieurs billions de dollars et avec un CEO – le président des Etats-Unis lui-même. Par conséquent, plus le président aura les qualités d’un bon manager, plus les affaires de la Maison Blanche, du gouvernement fédéral et de la politique américaine dans son ensemble, se porteront bien.
- Cette vision accrédite et légitime encore davantage l’aspiration de certains de voir un businessman- ou multi- millionnaire à la tête des Etats-Unis. Cet homme providentiel serait-il – malgré tout – Donald Trump ? Les spécialistes et les observateurs ne le croient pas…mais qui sait ? Et si, au final et dans l’hypothèse, Donald Trump ne s’avère pas, sur le plan économique, un si mauvais CEO des Etats- Unis qu’on veut bien le faire croire ? D’autre part, pourquoi à tout prix tourner en dérision la promesse de ce businessman de haut vol de devenir un « président de l’emploi » ? On peut croire qu’il puisse vraiment l’être.
- Pour tout le reste – tout ce qui concerne la politique intérieure et extérieure – l’ex-playboy n’est certainement pas crédible. L’Amérique le trouve plutôt plaisant quand elle le regarde, un peu nostalgiquement, dans un débat télévisé, un doux soir d’été pré-électoral. Elle lui trouve même une certaine détermination et volonté d’agir. Elle le hisse au sommet des sondages et veut le retenir dans la course. Mais elle sera beaucoup moins indulgente avec lui quand vient l’automne. Un automne américain bien réaliste, plein d’un robuste bon sens.