Par Olivier de Berranger, CIO, La Financière de l’Echiquier
C’est une bougie que l’on aimerait ne pas avoir à souffler, mais cela fait déjà un an que l’armée russe a franchi sa frontière occidentale côté ukrainien dans l’espoir d’élargir son territoire et de faire tomber le gouvernement de Kiev. Il aura suffi de quelques jours seulement pour que la perspective d’un conflit éclair s’évapore. Que ce soit sur les plans militaire, économique ou géopolitique, cette guerre, qui s’inscrit dans le temps long, sera lourde de conséquences.
Sur le plan militaire d’abord. L’armée ukrainienne a réussi à déjouer les pronostics d’une déroute annoncée. Aidée en matériel et en renseignement par les Etats-Unis et les pays européens, l’Ukraine a su déjouer les plans de Moscou et enregistré quelques contre-offensives victorieuses à l’automne. Cette guerre, de mouvement à l’origine, s’est muée en conflit plus statique, axé sur une guerre de positions assise sur l’artillerie lourde. Pour le complexe militaro-industriel des États soutenant l’Ukraine, ce conflit à haute intensité implique de revoir de fond en comble leur modèle économique. Les pays occidentaux disposaient d’une armée de paix, ils doivent à présent se doter d’une armée de guerre, face à la menace que fait peser ce conflit sur l’Europe. A une logique de flux doit se substituer une logique de stocks. Et ceci dans l’urgence. Mais comme à chaque crise, les fondations de l’Union européenne s’en trouvent renforcées, sur le plan militaire et énergétique cette fois-ci.
Sur le plan économique. Cette agression militaire par la Russie a provoqué une riposte par la voie de sanctions sévères mais pas jusqu’au-boutistes, tant la dépendance au gaz russe reste importante pour l’économie européenne, à l’est en particulier. Ce choc sur les prix de l’énergie a mis au défi les banquiers centraux, sommés d’éteindre la flambée des prix au moyen de mesures restrictives destinées à enrayer une spirale prix-salaires. Ce conflit conduit aussi l’Europe à entreprendre une transition énergétique à marche forcée : la diversification des approvisionnements se conjugue à l’accélération des investissements dans les énergies produites localement, c’est-à-dire les renouvelables et le nucléaire. Et pour la première fois, en 2022, le solaire et l’éolien ont dépassé le gaz comme source de production électrique européenne. Tout un symbole. La transition énergétique doit encore s’accélérer tant pour des raisons environnementales que stratégiques.
Enfin, sur le plan géopolitique, ce conflit aura également été un accélérateur de tendances. On peut en lister quelques-unes. Pour commencer, la démondialisation. Après la crise déclenchée par le Covid qui a mis la lumière, la fragilité et la fragmentation des chaînes d’approvisionnement, ce conflit accroît la volonté de souveraineté et d’indépendance sur certains secteurs stratégiques. Ensuite, la polarisation du monde s’accélère : côté occidental, les liens transatlantiques se renforcent, tandis qu’à l’Est, la Chine assoit un peu plus sa position de seconde puissance mondiale aussi bien comme force d’attraction économique que comme modèle politique et diplomatique.
Les crises accélèrent les mutations, contraignant toutes les parties prenantes – Etats, entreprises, consommateurs, investisseurs – à s’adapter. Car comme dans toutes crises, si les risques sont nombreux, les opportunités le sont également.
Rédaction achevée le 27.2.2023
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