Par Thierry Dime
Dans le paysage politique vaudois, l’histoire de Valérie Dittli, jeune ministre de 32 ans, est devenue emblématique des tensions entre ambition réformatrice et inertie administrative. Élue en 2022 sur la liste de la droite vaudoise, Valérie Dittli a rapidement suscité l’intérêt des milieux économiques pour sa volonté à vouloir essayer. Pourtant, après des mois de crise, elle a été déchue de ses prérogatives sur les Finances et la Fiscalité par le Conseil d’État vaudois, au profit de Christelle Luisier, présidente du gouvernement et figure du PLR. Cette décision, marque un tournant dans une saga politique qui interroge autant sur les dysfonctionnements administratifs que sur les jeux de pouvoir au sein de l’exécutif cantonal vaudois.
A 32 ans, Valérie Dittli incarne cette nouvelle génération de politiciens déterminés à bousculer les codes établis, portée par une énergie et une ambition qui, peut-être, l’ont parfois poussée à aller un peu trop vite, révélant aussi les limites d’une jeunesse et d’une expérience encore en construction. Son élection en 2022 avait été perçue comme un souffle de renouveau pour le canton de Vaud, promettant une modernisation attendue. Pourtant, très vite, elle s’est heurtée à une haute administration réticente au changement, illustrant le fossé parfois infranchissable entre la volonté réformatrice des élus et l’inertie d’un système ancré dans ses habitudes.
Malgré certaines erreurs commises, Valérie Dittli a su gagner le respect des milieux économiques et d’une partie de la population. Perçue par certains comme la véritable représentante de la droite libérale au sein du gouvernement, elle a contrasté avec les trois élus du PLR, souvent jugés plus timorés, voire « centristes » dans leur approche. Pourtant, son mandat a été marqué par des tensions croissantes, notamment autour du dossier de la solidarité fiscale entre époux, un sujet sur lequel elle souhaitait avancer rapidement, alors que le canton accusait un retard notable. Des séances interminables durant lesquelles on lui répétait que c’était impossible, que les systèmes informatiques ne le permettaient pas. Refusant de se résigner, elle a commandé un avis extérieur, une décision qui a exacerbé les tensions avec la cheffe du Service de la fiscalité, en poste depuis 2014 sous l’égide de Pascal Broulis. Cette confrontation, révélatrice des difficultés à réformer face à une administration parfois réfractaire, a précipité la détérioration de leurs relations.
Sur le plan politique, cette crise révèle les fractures au sein de la majorité vaudoise. Les libéraux-radicaux (PLR), qui avaient initialement refusé de prendre en charge les Finances après leur victoire électorale, ont finalement repris la main à un moment critique. Christelle Luisier et Frédéric Borloz, désormais aux commandes, devront prouver qu’ils peuvent faire mieux que Valérie Dittli. Mais cette reprise en main intervient dans un contexte tendu, où les jeux d’ego et les calculs politiques semblent avoir pris le pas sur l’intérêt général. La conférence de presse du vendredi, où certains ministres étaient venus réglés leurs comptes en public, a offert un spectacle peu glorieux, renforçant l’image d’une classe politique en panne.
Les implications économiques de cette crise sont significatives. Le canton de Vaud, l’un des moteurs économiques de la Suisse, ne peut se permettre une inertie dans la gestion de ses finances. Les milieux patronaux, qui avaient commencé à apprécier la détermination et le travail de Valérie Dittli, s’inquiètent désormais de la tournure des événements. En effet, si les élus du PLR avaient réellement la capacité, les compétences et la volonté de gérer le ministère des finances avec succès, pourquoi ne l’ont-ils pas assumé dès le départ, au lendemain de leur victoire électorale ? Aujourd’hui, on semble vouloir faire croire qu’ils reprennent ce portefeuille malgré eux, comme s’ils étaient contraints par les circonstances. Mais, comme le dit l’adage, c’est au pied du mur qu’on reconnaît le maçon. Les élus du PLR, désormais aux commandes des Finances et de la Fiscalité, seront scrutés à la loupe. Aucune incompétence, aucun faux pas ne sera toléré, d’autant plus que le contexte économique exige des décisions fermes et visionnaires.
Si on reconnait que Valérie Dittli a perdu une bataille, elle pourrait marquer des points dans l’opinion publique, notamment auprès de ceux qui voient en elle une victime des jeux de pouvoir. Pour Christelle Luisier et le PLR, le défi est désormais de démontrer qu’ils peuvent gérer les finances cantonales avec plus d’efficacité et moins de conflits. Le monde change à un rythme effréné, et les attentes des citoyens, des entreprises et des milieux économiques évoluent tout aussi rapidement. Les élus doivent en prendre conscience, car demain, face au peuple, leurs actions – ou leurs échecs – seront jugés sans complaisance.
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