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Par Alexis Bienvenu, Fund Manager, et Olivier de Berranger, CIO, La Financière de l’Echiquier
Deux événements ont marqué les marchés en cette fin juillet : la chute brutale de certaines actions chinoises et la réunion du comité de politique monétaire américain.
A priori, aucun rapport entre ces deux événements. En réalité, un facteur commun les réunit : la préoccupation politique d’une meilleure cohésion sociale et nationale l’emporte sur la stricte orthodoxie économique.
En Chine en effet, la chute des marchés découle en partie d’une intervention politique visant à brider les profits des entreprises dispensant des formations parallèles au système scolaire. Le prix élevé de ces formations constitue un frein pour la classe moyennes, même s’il peut permettre de renforcer les performances scolaires du pays. Xi Jinping a arbitré : politiquement, mieux vaut éviter de renforcer encore les inégalités, quitte à réduire peut-être les performances d’une partie de la population . Mieux vaut en outre limiter le coût de l’éducation d’un pays en mal de natalité, quitte à se passer en outre de la manne économique provenant des entreprises du secteur éducatif – qui pourtant auraient pu contribuer au rayonnement chinois dans le monde. Si le secteur de l’éducation privée est bridé, quels autres secteurs ne risquent-ils pas de l’être à l’avenir ? On songe notamment à la santé, très chère et très discriminante socialement malgré les promesses d’une société communiste. Logiquement, les valeurs du secteur ont reculé de concert, implicitement menacées par le même type de mise au pas.
Une autre raison de la chute du marché chinois réside dans l’évocation de la réduction des possibilités pour les entreprises chinoises d’être cotées aux Etats-Unis via les « ADR » (American Depositary Receipt). Sur ce point, la volonté politique de s’affranchir des exigences comptables américaines entre en concurrence avec l’ambition d’accéder plus largement aux flux de capitaux étrangers, pourtant essentiels au développement chinois. L’indépendance nationale se concilie difficilement avec la mise aux normes internationales, c’est-à-dire américaines. La lutte économique entre les Etats-Unis et la Chine est également une guerre des normes, avec son lot de dommages collatéraux, en l’occurrence l’accès aux capitaux américains.
Quel rapport avec la réunion de la Fed le 28 juillet ? A priori aucun. Sauf que son président a reconnu que l’inflation élevée connue par les Etats-Unis (4,5% en juin pour sa partie la moins volatile) pourrait s’avérer moins passagère que prévu, et de ce point de vue mériter une politique monétaire nettement moins accommodante qu’actuellement. Sauf qu’à demi-mot, Jerome Powell reconnaît aussi que l’objectif de réduire le chômage des groupes les moins favorisés supplante en ce moment quasiment toute autre considération, et justifie une politique monétaire très expansionniste. Là encore, la cohésion sociale prime sur l’orthodoxie économique au sens étroit. L’urgence est d’autant plus grande que la Fed est accusée d’avoir drastiquement accru les inégalités patrimoniales en gonflant le prix des actifs risqués, donc le patrimoine des plus favorisés, favorisant de ce fait les mouvements populistes.
Qu’on le déplore ou s’en réjouisse, les principes économiques libéraux voient leur influence réduite en ce moment. Dans l’empire du Milieu – le milieu entre l’économie capitaliste et la politique « socialiste » s’entend –, ce n’est guère étonnant à l’heure de la célébration du centenaire de la création du parti communiste chinois. Ça l’est tout de même dans la mesure où le pays doit s’appuyer sur l’économie privée et attirer les capitaux étrangers pour accroitre sa puissance. Ça l’est davantage dans le pays porte-étendard du capitalisme. Sauf que les crises ont montré à quel point, même aux Etats-Unis, les principes libéraux étaient battus en brèche lorsque l’urgence survenait. Sur ce point, « Xi Powell » et « Jerome Jinping », comme le Yin et le Yang, sont au fond au diapason.
TELEX L’inflation en zone euro rebaisse. L’inflation « de base » (hors éléments volatils) en zone euro repasse en juillet à 0,7% en glissement annuel, contre 0,9% en juin (et un pic à 1,4% en janvier), proche de sa moyenne sur 5 ans. Cependant, les anticipations d’inflation à 5 ans dans 5 ans se sont appréciées ces dernières semaines, portées à 1,7%. Signe que les investisseurs accordent du crédit à l’hypothèse d’une remontée modérée à partir des niveaux actuels, particulièrement bas.
L’inflation américaine modère sa progression. Surveillé de près par le marché, pour qui le retour de l’inflation est un sujet central, l’indicateur américain du prix des dépenses personnelles « cœur » pour le mois de juin ressort à 3,5%, contre 3,7% attendu. Une publication légèrement au-dessous des attentes, qui peut conforter l’hypothèse selon laquelle l’inflation restera sous contrôle à moyen terme. D’ailleurs, les anticipations d’inflation à 5 ans dans 5 ans restent proches de 2,4% aux Etats-Unis. Aucune surchauffe inflationniste n’est attendue par le marché pour le moment. Attention cependant à la fin prochaine de la période de moratoire sur les expulsions dues aux loyers impayés : la composante immobilière pourrait nettement progresser dans le futur proche.
Rédaction achevée le 30.07.2021
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